Le tribunal de Chéraga a rendu un verdict marquant dans une affaire financière qui a secoué le secteur bancaire. Dimanche matin, un ressortissant turc dans la soixantaine, identifié sous les initiales « M.A », a été condamné à 5 ans de prison ferme, assortis d’une amende d’un million de dinars. Cet entrepreneur, à la tête de plusieurs projets en Algérie, a été reconnu coupable de faux dans des documents administratifs, de faux et usage de faux dans des documents commerciaux, de tentative d’escroquerie de banques algériennes ainsi que de séjour irrégulier sur le territoire algérien.
Son complice, un Algérien nommé « S. Marouane », a quant à lui écopé de 3 ans de prison ferme pour les mêmes infractions. Le tribunal a également ordonné aux deux accusés de verser un million de dinars de dommages et intérêts aux établissements bancaires qui se sont constitués parties civiles. L’affaire est née de signalements suspects émis par plusieurs agences concernant une tentative de transfert colossal de fonds par le biais d’une société privée créée par le ressortissant turc. Le montant en question s’élevait à 200 millions d’euros, répartis sur quatre établissements : Al Salam Bank, Al Baraka Bank, Gulf Bank et Société Générale. Présentés comme des financements d’investissements conclus avec des entreprises turques, ces transferts ont rapidement éveillé des soupçons, confirmés par les enquêtes.
Tout a commencé le 16 octobre 2023, lorsqu’Al Salam Bank a déposé une plainte auprès du parquet après avoir détecté une opération douteuse effectuée par une société en cours de constitution baptisée SDK Production Industrielle. Peu après, trois autres établissements ont déposé des plaintes similaires, démontrant que l’affaire dépassait le cadre d’une simple transaction. Les documents fournis par M.A incluaient une attestation SWIFT censée provenir d’une banque allemande. Or, cette dernière a rapidement confirmé par courrier électronique que le document n’avait jamais été émis par ses services. Cette révélation a transformé une opération bancaire ordinaire en une affaire judiciaire majeure.
Le juge d’instruction du tribunal de Chéraga a ouvert une enquête approfondie, révélant que la société en question n’avait aucune base légale. Aucun registre de commerce n’existait, aucune autorisation n’avait été obtenue, et les comptes bancaires ouverts dans les quatre agences servaient uniquement de support à une tentative d’escroquerie. Il a également été établi que le ressortissant turc résidait illégalement en Algérie depuis 2021, renforçant les charges retenues contre lui.
Lors de son procès, M.A a rejeté toutes les accusations. Il a affirmé que les documents étaient authentiques, qu’il vivait en Algérie depuis 21 ans et qu’il avait dirigé plusieurs projets de construction et d’industrie. Il a expliqué avoir associé son chauffeur personnel, S. Marouane, à la société en raison de l’obligation légale d’avoir un associé algérien. Selon lui, les fonds devaient être placés sous la garde d’un notaire avant d’être transférés au Trésor public, puis investis dans la création d’une entreprise légale, excluant ainsi toute intention frauduleuse.
S. Marouane, de son côté, a nié toute participation active. Il a précisé qu’il n’avait qu’une part symbolique de 1 % dans la société et qu’il n’était jamais intervenu dans les démarches bancaires. Il a mis en avant son faible niveau d’instruction pour expliquer son ignorance des agissements de son associé turc. Cependant, la cour a rappelé un principe fondamental : « nul n’est censé ignorer la loi ».
Les avocats de la défense ont contesté la procédure, soulignant l’absence d’expertise technique sur le document SWIFT et dénonçant le délai de deux ans pris par certaines banques pour signaler la fraude. Ils ont plaidé pour un acquittement, ou au minimum des circonstances atténuantes, estimant que leurs clients n’avaient pas eu l’intention de nuire.
Les représentants des quatre banques algériennes, constituées parties civiles, ont maintenu leurs accusations et affirmé que la tentative d’escroquerie était avérée. Le procureur avait initialement requis 10 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars contre les deux accusés. Toutefois, le tribunal a finalement prononcé des peines moins sévères : 5 ans pour le ressortissant turc et 3 ans pour son complice algérien, assorties d’une amende et de l’obligation d’indemniser les banques algériennes lésées.