À 58 ans, il devient sans papiers… alors qu’il est né en France

Titre séjour métier en tension Algérien titre 10 ans sans papiers France

À Caen, dans le département du Calvados, une réalité glaçante frappe des dizaines d’habitants : être sans papiers en France, malgré une situation administrative régulière, devient une épreuve quotidienne pour de nombreux étrangers. La cause ? Des retards inextricables dans le renouvellement des titres de séjour, exacerbés par la numérisation des procédures. Dans cette crise silencieuse, un homme de 58 ans symbolise à lui seul l’absurdité administrative à laquelle sont confrontés des individus installés en France depuis des décennies. Né en France, dans le Nord-Pas-de-Calais, Abdellah se retrouve aujourd’hui sans papiers à 58 ans, privé de ses droits fondamentaux et empêché de vivre dignement dans le pays qui l’a vu naître.

Tout commence en novembre 2023, lorsqu’Abdellah, résident légal en France depuis toujours, entame la procédure de renouvellement de son titre de séjour via la plateforme ANEF, nouvel outil numérique censé faciliter les démarches pour les étrangers en situation régulière. Comme tant d’autres à Caen et ailleurs en France, il ne reçoit qu’un récépissé valable six mois, puis un second pour trois mois. Ensuite, plus rien. Plus de réponse, plus de document, seulement un statut suspendu entre deux mondes : celui des citoyens reconnus et celui des invisibles. Aujourd’hui sans papiers en France, à 58 ans, il ne peut plus exercer son activité professionnelle ni suivre de formation. Il est redevable de 2 224 euros de loyers impayés et survit grâce au soutien financier de son fils. « Je me sens pris en otage », déclare-t-il au journal Ouest-France.

Cette situation, loin d’être isolée, reflète une crise plus large qui touche de plein fouet les résidents étrangers du Calvados. Depuis début 2025, trois élus départementaux — Edith Heuzé, Antoine Casini et Martine Kerguélen — tirent la sonnette d’alarme. Ils ont constaté une recrudescence des cas similaires lors de leurs permanences dans les quartiers populaires de Caen et d’Ifs. Selon eux, de nombreuses personnes, bien que parfaitement en règle, tombent dans une impasse administrative qui les plonge de fait dans la précarité. Des citoyens sans papiers en France, bien qu’ils aient vécu, travaillé, cotisé dans ce pays pendant des années. Le paradoxe est d’autant plus choquant lorsque, comme Abdellah, on est né sur le sol français.

La préfecture de Caen reconnaît elle-même les dysfonctionnements liés au traitement des titres de séjour. Entre 2021 et 2024, les demandes ont augmenté de 27 %, alors même que la procédure est devenue intégralement dématérialisée. Ce passage au tout numérique, présenté comme une avancée administrative, s’est révélé contre-productif pour de nombreux usagers. Bugs techniques, surcharges de dossiers, impossibilité de contacter un agent ou de suivre l’état d’avancement de la demande : être sans papiers en France en 2025, c’est souvent le résultat d’une défaillance technologique plus que d’un problème de légalité. À Caen, ces situations se répètent et deviennent la norme plutôt que l’exception.

La situation ne laisse pas indifférente l’administration locale. Face à l’accumulation des retards, la préfecture s’est engagée à renforcer les effectifs d’ici la fin de l’année 2025. Deux campagnes exceptionnelles de régularisation des dossiers sont également prévues, avec une priorité accordée aux titres de séjour de type « salarié ». Mais pour Abdellah, et pour bien d’autres sans papiers en France malgré leur parcours irréprochable, ces promesses arrivent tard. Chaque jour sans titre valide est un jour de plus dans l’incertitude, un jour de plus sans droits, sans revenus, sans avenir clair.

À 58 ans, sans papiers en France alors qu’il est né sur ce territoire, Abdellah incarne une anomalie grave du système administratif. Une anomalie qui n’est pas une exception, mais qui devient un symptôme d’un dysfonctionnement structurel. À Caen, les élus continuent d’alerter, tandis que les concernés attendent, parfois depuis des années, une simple régularisation de leur dossier. En France, être sans papiers ne signifie pas toujours être sans droits ; parfois, c’est le système qui les nie, un clic à la fois.