Alors que la question de l’abrogation de l’accord franco algérien de 1968 anime le débat politique en France, le président Abdelmadjid Tebboune a mis fin aux spéculations en réaffirmant clairement la position de l’Algérie. Dans un entretien accordé au journal français L’Opinion, il a exprimé son opposition catégorique à une éventuelle suppression de cet accord, qu’il considère comme une question de principe.
« Pour moi, c’est une question de principe. Je ne peux pas marcher avec toutes les lubies », a déclaré le président Tebboune à l’Opinion en réaction aux multiples appels émanant de la classe politique française, notamment de Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, ainsi que des partisans de l’extrême droite. Ces derniers réclament avec insistance l’abrogation d’un texte qui, selon eux, conférerait aux Algériens des avantages spécifiques en matière de séjour et de travail en France.
Le chef de l’État algérien a tenu à rappeler que cet accord avait déjà été modifié à plusieurs reprises, en 1985, 1994 et 2001. « Pourquoi annuler ce texte qui a été révisé en 1985, 1994 et 2001 ? Ces accords étaient historiquement favorables à la France qui avait besoin de main-d’œuvre. Depuis 1986, les Algériens ont besoin de visas, ce qui annule de fait la libre circulation des personnes telles qu’elle est prévue dans les accords d’Évian », a-t-il souligné, mettant ainsi en lumière l’évolution du cadre juridique régissant les relations migratoires entre les deux pays.
Si l’Algérie refuse catégoriquement l’abrogation de l’accord, le président Tebboune ne manque pas de souligner qu’il s’agit d’un texte désormais vidé de sa substance. « Ces accords de 1968 sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade », a-t-il déclaré, dénonçant l’instrumentalisation politique de ce dossier par certains responsables français.
Le président algérien a également réagi aux déclarations de Bruno Retailleau, qui avait accusé l’Algérie de chercher à « humilier la France » en bloquant l’expulsion de certains sans-papiers. « Bruno Retailleau a parlé de l’Algérie comme d’un « pays qui cherche à humilier la France » : il a voulu faire un coup politique en forçant son expulsion. Il vient d’être retoqué par la justice française qui n’a pas justifié l’urgence absolue de sa mesure d’expulsion », a-t-il expliqué, mettant en exergue les limites des décisions unilatérales prises par les autorités françaises.
Ce n’est pas la première fois que l’Algérie est confrontée à ce type de pression de la part de Paris. Le président Tebboune a rappelé que Gérald Darmanin, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avait lui aussi tenté une approche similaire avant de devoir finalement négocier avec Alger. « Puis il est venu à Alger et, in fine, nous avons trouvé le bon modus operandi », a-t-il révélé, signifiant ainsi que toute décision en la matière nécessite un dialogue constructif entre les deux pays.
L’Algérie, de son côté, exprime certaines attentes vis-à-vis de la France, notamment en matière d’extradition. « L’Algérie aimerait aussi que la France accède à nos demandes d’extradition comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne. Or, curieusement, nous constatons que Paris donne la nationalité ou le droit d’asile à des personnalités qui ont commis des crimes économiques ou qui se livrent à de la subversion sur le territoire français », a déploré le président Tebboune. Cette déclaration met en lumière une frustration persistante du gouvernement algérien face à ce qu’il considère comme une politique à géométrie variable de la part de la France.
Concernant la question des sans-papiers algériens en France, Abdelmadjid Tebboune a tenu à rétablir certaines vérités. Il a révélé que l’Algérie a délivré 1800 laissez-passer consulaires en 2024 pour permettre l’expulsion de ses ressortissants en situation irrégulière. Il a cependant insisté sur la nécessité de respecter les procédures légales en la matière. « L’Algérie ne veut pas imposer à la France des Algériens en situation irrégulière », a-t-il affirmé, tout en précisant que son pays exige le respect des règles en vigueur en matière d’expulsion.
« Sur le Sahara occidental, j’ai prévenu le président Macron : “Vous faites une grave erreur !” », a également affirmé le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
En réaffirmant la position de l’Algérie sur l’accord franco algérien de 1968, Abdelmadjid Tebboune envoie un message clair à la classe politique française : l’Algérie ne cédera pas face aux pressions et attend, en retour, un respect mutuel dans la gestion des questions migratoires et judiciaires entre les deux pays. Si le débat sur cet accord continue d’enflammer les discussions en France, Alger, de son côté, semble avoir définitivement tranché la question.
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