Accord franco-algérien de 1968 : la France calme le jeu 

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La tension autour de l’accord franco-algérien de 1968 a pris une tournure imprévue jeudi matin à l’Assemblée nationale, lorsque les députés proches d’Éric Ciotti, en marge d’une niche parlementaire consacrée à l’Union des droites pour la République (UDR), ont finalement renoncé à soumettre une résolution visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968.

Le retrait intervenu à quelques jours de la décision concernant Boualem Sansal a éveillé l’attention des observateurs, révélant une stratégie politique plus complexe que prévue autour de l’accord franco-algérien de 1968, désormais au cœur de débats sur les relations bilatérales entre Paris et Alger. Le sujet, initialement porté par une coalition comprenant LR, RN et Horizons, visait à réactiver la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968, un traité jugé inégalitaire par certains députés et accusé de faciliter l’immigration algérienne vers la France. Mais Éric Ciotti a finalement retiré son texte, préférant calmer le jeu diplomatique et se concentrer sur le soutien à la libération de l’écrivain Boualem Sansal.

En effet, cette résolution, dont l’adoption paraissait possible en raison d’un large consensus à droite et à l’extrême droite, aurait bouleversé le cadre bilatéral établi depuis plus de cinquante ans. L’accord franco-algérien de 1968, signé six ans après l’indépendance de l’Algérie, a instauré des facilités en matière de circulation, de séjour et d’emploi pour les ressortissants algériens, reconnaissant un statut spécifique dans l’Hexagone. Souvent critiqué pour avoir ouvert la porte à une immigration économique jugée excessive, cet accord franco-algérien de 1968 est désormais considéré comme obsolète par ses détracteurs, qui estiment qu’il ne correspond plus à la réalité des enjeux migratoires contemporains. Ainsi, la pression exercée par Éric Ciotti et ses alliés reposait sur l’idée que dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 représenterait une victoire symbolique pour la droite nationaliste et affaiblirait un trait d’union jugé trop permissif avec l’Algérie.

Pourtant, le responsable de l’UDR a surpris l’opinion en retirant son texte au dernier moment. Il a expliqué que le débat parlementaire était prématuré, à une échéance trop proche d’une décision judiciaire attendue concernant Boualem Sansal, écrivain franco-algérien jugé en Algérie, et dont la sentence, attendue le 1er juillet, pourrait atteindre dix ans de prison. En choisissant de calmer le jeu diplomatique, Éric Ciotti a justifié son revirement par la nécessité de ne pas aggraver les tensions entre Paris et Alger au moment où la cause de Sansal exige un effort concerté entre les deux États. Cette volte-face illustre la complexité d’une situation où les enjeux migratoires, la liberté d’expression, la diplomatie et les rapports stratégiques entre la France et l’Algérie se croisent dans un contexte hautement sensible.

L’opération a suscité des réactions contrastées à l’intérieur de la droite, qui avait prévu un vote en niche parlementaire favorable à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968, misant sur un soutien massif des LR, RN et Horizons. En décembre 2023, une initiative similaire avait été rejetée à l’Assemblée, recueillant 114 voix pour et 151 contre. Cette fois, la résolution menaçait d’obtenir jusqu’à 222 voix favorable, compte tenu de l’indisponibilité de la majorité présidentielle et de la mobilisation de la droite. Mais le retrait du texte a écarté ce scénario, au grand soulagement du gouvernement et des diplomaties française et algérienne.

Du côté de la majorité macroniste, la décision de calmer le jeu a été perçue comme une prise de position responsable, certains soulignant que l’accord franco-algérien de 1968, bien que désuet dans certains aspects, devait être maintenu dans un cadre de respect mutuel entre les deux pays. La présidence de la République avait déjà affirmé en février – notamment par la voix d’Emmanuel Macron – qu’« on ne va pas dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968 », soulignant que la diplomatie relève de « domaine réservé » et qu’elle ne saurait être remise en cause par une décision parlementaire isolée. Ce positionnement s’inscrit dans une stratégie globale visant à préserver un équilibre fragile entre fermeté politique et dialogue diplomatique.

Si l’initiative parlementaire visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 avait pour objectif d’endiguer l’immigration en renforçant les barrières administratives, les conséquences diplomatiques semblaient jugées trop risquées par certains responsables politiques. En effet, les relations actuelles entre Paris et Alger sont marquées par des tensions persistantes, et la situation de Boualem Sansal, détenu en Algérie pour ses écrits, cristallise les inquiétudes sur la liberté d’expression et les rapports bilatéraux. Dans ce contexte, la décision de calmer le jeu permet à la France de jouer une carte diplomatique prudente, en évitant que la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 n’aggrave la situation de l’écrivain ou ne bloque d’éventuels canaux de dialogue.

Au sein de la droite parlementaire, certains élus LR et RN ont regretté le retrait tardif du texte, estimant qu’il aurait fallu trancher dès maintenant sur l’évolution ou la disparition de l’accord franco-algérien de 1968, quitte à créer des frictions diplomatiques assumées. Toutefois, pour Éric Ciotti, la priorité reste la libération de Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien que le groupe UDR appelle à soutenir sans réserve. Il a également annoncé que la proposition pourrait être réexaminée à la rentrée parlementaire d’automne, lors d’une nouvelle niche mise à disposition des députés nationalistes de droite. Ce report témoigne d’une stratégie de temporisation, permettant de calmer le jeu sur le court terme tout en maintenant la pression politique sur l’agenda migratoire.

Le gouvernement, de son côté, s’est félicité de cet geste, soulignant l’esprit de responsabilité du groupe UDR. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, a salué cette décision, affirmant qu’il s’agissait de ne pas « provoquer d’escalade même verbale » et de préserver un climat propice à une issue favorable pour Boualem Sansal. La perspective d’une réduction du contenu de l’accord franco-algérien de 1968 reste toutefois présente, notamment après les promesses de François Bayrou en février d’un réexamen « en totalité » de ce texte historique. Mais depuis, les discussions sont au point mort, laissant planer une incertitude sur l’évolution finale du dispositif.

Emmanuel Macron, fidèle à une ligne diplomatique constante, a d’ores et déjà exclu toute dénonciation unilatérale de l’accord franco-algérien de 1968, rappelant que la politique étrangère relève de ses prérogatives et qu’un tel acte ne refléterait pas la volonté de l’État. Ses propos, tenus en conseil des ministres en décembre 2023, avaient fait écho à une déclaration acerbe : « Je n’avais pas compris que la politique étrangère de la France était définie au Parlement », ironisait-il, soulignant le risque de voir des décisions symboliques désynchronisées des réalités diplomatiques et géopolitiques. En maintenant la position d’un retrait et en évoquant une future discussion à l’automne, la France assume un équilibre délicat entre volonté politique et pragmatisme diplomatique, notamment vis-à-vis de l’Algérie.

Alors que le retrait du texte a été annoncé, les observateurs notent que l’accord franco-algérien de 1968 demeure un symbole puissant. Son origine historique, visant à répondre à une crise économique et démographique dans l’après-guerre, contraste avec les aspirations actuelles, où certains parlementaires dénoncent un régime migratoire devenu trop permissif. Or, la cohabitation entre la volonté de réformer cet accord franco-algérien de 1968 et la nécessité de conserver un canal de communication efficace avec Alger incarne la tension permanente entre politique intérieure et diplomatie.

Face à ces enjeux, les débats à venir cet automne s’annoncent cruciaux. La majorité présidentielle devra trancher entre laisser revenir l’accord franco-algérien de 1968 tel quel, le modifier partiellement, ou l’abroger complètement. Ce choix aura des répercussions non seulement en matière migratoire, mais aussi sur les relations bilatérales, la communauté franco-algérienne en France, et la perception de la France par les autorités algériennes. L’écrivain Boualem Sansal, dont la cause a servi de déclencheur à ce retrait, reste au centre de ce débat : la décision du gouvernement français de calmer le jeu pourrait être perçue comme un acte de bonne volonté diplomatique, en vue d’une issue favorable à sa libération.