Le débat sur l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie s’est tenu au Sénat français le 4 mars 2025, relançant une polémique récurrente sur l’immigration algérienne en France. Cet accord, signé six ans après l’indépendance de l’Algérie, accorde aux ressortissants algériens un statut migratoire spécifique, plus favorable que celui des autres nationalités. Aujourd’hui, plusieurs élus, notamment à droite, estiment qu’il est temps de revoir, voire d’abroger ce texte, jugé inadapté aux réalités actuelles.
Lors du débat relayé par Public Sénat, la sénatrice Les Républicains (LR) Muriel Jourda a dénoncé un accord « totalement déséquilibré » et a appelé à sa suppression. « Nous constatons que cet accord entraîne un traitement de faveur pour les Algériens lorsqu’il s’agit de venir en France, mais nous n’avons aucune réciprocité de la part de l’Algérie », a-t-elle déclaré devant la chambre haute. Elle a également mis en avant la question des laissez-passer consulaires, ces documents nécessaires pour expulser des ressortissants en situation irrégulière. « L’Algérie refuse de reprendre ses ressortissants, alors que ses propres engagements et le droit international imposent qu’elle puisse les reprendre », a-t-elle fustigé.
Les sénateurs favorables à une révision du texte pointent notamment le cas de certains Algériens sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais dont l’expulsion est bloquée par l’absence de laissez-passer. Rappelant une affaire récente, la sénatrice Valérie Boyer (LR) a martelé : « À peine 10 % des Algériens expulsables ont été renvoyés de façon coercitive, 43 % des places disponibles en centre de rétention administrative sont occupées par des ressortissants algériens. »
Face à ces critiques, le gouvernement s’est montré prudent. Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a précisé que l’accord de 1968 « ne concerne pas l’immigration illégale » et n’a pas d’impact direct sur la délivrance des laissez-passer consulaires. Il a toutefois reconnu que le texte nécessitait des ajustements : « Il ne correspond pas aux exigences du temps présent, à ce que sont nos intérêts migratoires et nos exigences. »
Trois pistes de réforme ont été avancées par le gouvernement : limiter l’immigration familiale, favoriser l’accueil des travailleurs qualifiés et renforcer les exigences d’intégration, notamment linguistiques et civiques. « Cet accord facilite l’immigration familiale, au détriment de l’accueil de talents, d’étudiants ou de professionnels », a expliqué Benjamin Haddad, tout en soulignant la nécessité de négocier ces évolutions avec Alger.
Mais dans l’exécutif, les avis divergent. Le Premier ministre François Bayrou a récemment laissé entendre que la France pourrait aller jusqu’à dénoncer unilatéralement l’accord si l’Algérie ne facilitait pas les expulsions. « Nous avons dressé une liste d’urgence de personnes qui doivent retourner dans leur pays. Si l’Algérie refuse, nous remettrons en cause cet accord », a-t-il averti. Des propos qui ont suscité une mise au point du président Emmanuel Macron, qui a rappelé que la décision lui appartenait. « L’accord de 1968, c’est le président de la République. Une rupture unilatérale n’aurait pas de sens », a-t-il affirmé dans un entretien au Figaro le 3 mars.
Ces tensions internes n’ont pas échappé à la gauche sénatoriale, qui accuse la droite de chercher à « saturer l’espace médiatique autour des enjeux d’immigration ». Corinne Narassiguin, sénatrice socialiste, a vivement dénoncé une instrumentalisation du débat. « Cette cacophonie au sommet de l’État est irresponsable. Le mauvais spectacle actuel au sujet de l’Algérie affaiblit la voix de la France sur la scène internationale », a-t-elle critiqué.
Du côté algérien, la réaction officielle reste mesurée, mais Alger a déjà prévenu que toute modification unilatérale de l’accord de 1968 serait perçue comme une remise en cause des engagements historiques entre les deux pays. L’Algérie considère en effet cet accord comme un élément central des relations bilatérales, et toute tentative de durcissement pourrait envenimer un climat diplomatique déjà fragile.
Dans ce contexte, l’avenir de l’accord de 1968 demeure incertain. Si le gouvernement français semble déterminé à le renégocier, il devra jongler entre les exigences de sa majorité, la pression de l’opposition et la nécessité de maintenir un dialogue apaisé avec Alger. Une réforme mal menée risquerait d’aggraver les tensions entre les deux pays, tandis qu’une approche plus concertée pourrait permettre d’adapter cet accord aux enjeux contemporains sans déclencher une crise diplomatique.
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