Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a déclaré dimanche que la résolution adoptée en France visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 relevait pour l’instant d’une affaire purement interne à la France. Il a toutefois précisé que si cette démarche venait à prendre une tournure officielle entre gouvernements, l’Algérie serait amenée à réagir. Cette mise au point intervient alors que la question de l’accord franco-algérien de 1968, qui régit depuis plus d’un demi-siècle la circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France, est redevenue un sujet central dans le débat politique français, poussant Lecornu à apporter de nouvelles précisions.
Ce lundi, c’est Sébastien Lecornu, Premier ministre français, qui a pris la parole à l’Assemblée nationale pour répondre à ces déclarations et clarifier la position de Paris. Lecornu a tenu à rappeler que le gouvernement français ne souhaitait pas une abrogation pure et simple de l’accord franco-algérien de 1968, mais plutôt une renégociation approfondie et équilibrée. Il a affirmé vouloir avancer « le plus vite possible » dans cette direction, en s’appuyant sur le comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien réuni en 2022, lequel avait déjà acté la nécessité de revoir les termes de cet accord historique. Lecornu a insisté sur l’importance de replacer cette discussion dans un cadre global, allant au-delà des seules questions migratoires qui polarisent les débats.
Pour le chef du gouvernement, les relations franco-algériennes ne sauraient être réduites à la problématique des visas ou des flux migratoires. Sébastien Lecornu a souligné que d’autres enjeux essentiels devaient guider cette renégociation : la coopération sécuritaire et antiterroriste, la stabilité au Sahel, la sécurité maritime en Méditerranée ainsi que les partenariats économiques. Selon lui, la France doit aborder cette révision de l’accord franco-algérien avec lucidité et exigence, tout en respectant pleinement la souveraineté de l’Algérie. Lecornu a d’ailleurs affirmé qu’il n’était « pas question de transformer la relation avec Alger en sujet de politique intérieure française », rappelant que le respect mutuel devait rester la boussole des deux gouvernements.
Ces propos font suite à une question posée par Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée, qui a qualifié l’accord de 1968 de « peu glorieux pour l’Algérie et léonin pour la France ». L’accord franco-algérien de 1968, signé six ans après l’indépendance, accorde en effet un régime migratoire particulier aux ressortissants algériens, leur garantissant des conditions d’entrée et de séjour en France différentes de celles des autres nationalités. Cette spécificité, souvent critiquée par certains élus français, est perçue à Alger comme un acquis historique, fruit de négociations post-indépendance marquées par la volonté de maintenir des liens humains et économiques entre les deux pays.
Lecornu, en réponse à ces critiques, a plaidé pour « une discussion exigeante, qui protège les intérêts de la France sans renier les principes de respect et de partenariat équilibré ». Il a rappelé que le dialogue entre Paris et Alger devait continuer malgré les tensions, citant les récents efforts diplomatiques entrepris pour renforcer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Il a aussi évoqué les dossiers sensibles encore en suspens, comme la situation du Franco-Algérien Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes, actuellement détenus en Algérie, pour lesquels le gouvernement français reste mobilisé.
Cette relance du dossier survient dans un contexte où les relations franco-algériennes sortent à peine d’une période de froid diplomatique. Le départ de Bruno Retailleau du ministère de l’Intérieur, connu pour sa position ferme à l’égard d’Alger, a permis un léger réchauffement. Son successeur, Laurent Nuñez, a quant à lui mis l’accent sur la nécessité de renouer un dialogue constructif, notamment autour des enjeux sécuritaires et de la lutte antijihadiste dans la région du Sahel.
Lecornu semble donc vouloir replacer la relation entre Paris et Alger dans une dynamique de travail pragmatique et apaisée. En évoquant plusieurs fois la volonté de « renégocier plutôt que de rompre », il a cherché à rassurer à la fois les partenaires algériens et l’opinion publique française. L’accord franco-algérien de 1968, que Lecornu juge « perfectible mais essentiel », reste l’un des piliers historiques de la relation bilatérale entre les deux nations. Le Premier ministre espère qu’un dialogue sincère, mené dans le respect réciproque, permettra de moderniser ce texte sans effacer les fondements de la coopération qui unit la France et l’Algérie depuis plus de soixante ans.