Les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie connaissent un nouvel épisode avec la remise en cause des accords franco-algériens de 1968. Ces accords, qui régissent le statut des Algériens en France, offrent des facilités en matière de carte de résidence et de regroupement familial, ce qui les distingue du droit commun appliqué aux autres étrangers. Aujourd’hui, certains responsables politiques français remettent en question cet accord historique, suscitant un vif débat sur ses implications et sur les relations entre les deux pays.
L’historien Benjamin Stora, spécialiste reconnu des relations franco-algériennes, rappelle le contexte de cet accord et les raisons de sa mise en place, dans un entretien accordé au média Historia. « Après les accords d’Évian de 1962, une libre circulation existait entre l’Algérie et la France. Dans ce cadre-là, des centaines de milliers de pieds-noirs ont traversé la Méditerranée, tout comme des Algériens. On était alors dans la période des Trente Glorieuses, avec un fort développement économique et les besoins en main-d’œuvre que cela impliquait. À un moment donné, la France a résolu de réguler ce flux. Il fallait cependant trouver une compensation. C’est ainsi que, dans les accords de 1968, des avantages ont été donnés aux travailleurs algériens par rapport aux autres étrangers, en raison de l’histoire particulière entre nos deux pays : cela s’est traduit, notamment, par des facilités pour la carte de résidence ou le regroupement familial. »
Si la révision de ces accords franco-algériens est envisagée par certains responsables politiques français, elle soulève de nombreuses interrogations quant à ses conséquences. Benjamin Stora met en garde contre une approche brutale qui pourrait rompre l’équilibre fragile des relations bilatérales. « La révision de ces accords signifierait de faire rentrer les Algériens dans ce que l’on pourrait appeler le droit commun. Mais pourquoi parler d’abrogation ? Cela voudrait dire que ce qu’a signé le général de Gaulle en 1968 n’était pas bon – or, revenir sur cette signature-là me semble être une remise en cause implicite, inconsciente, de ce que le président français avait aussi signé en 1962, c’est-à-dire les accords d’Évian. »
Au-delà de l’aspect juridique, c’est une réalité sociale et humaine qui est en jeu. La relation entre la France et l’Algérie ne se limite pas aux textes signés entre les deux États, mais s’ancre profondément dans l’histoire et les liens tissés entre les populations. « De fait, de nombreux Algériens ou Franco-Algériens vivent en France. Cela pose la question du flux que cela engendre naturellement d’une rive à l’autre, de par les liens familiaux qui existent, la nécessité de rencontres, de participer aux fêtes, aux événements communs… Cela crée un espace mixte franco-algérien considérable, qui est, de toute façon, un legs de notre histoire. Dès lors, cela nécessite que les deux pays en discutent ensemble et négocient. »
« Le défi, dans une telle situation, me semble de rechercher des voies d’apaisement plutôt que de réveiller sans arrêt des mémoires douloureuses. J’ai personnellement vécu la guerre d’Algérie, l’exil, la pauvreté quand ma famille est arrivée en France ; je sais ce que cela signifie. Le problème est, à partir de traumatismes comme celui-là, qui a touché tant de personnes, de sortir de cette culture de la guerre, de ces plaies qui se rouvrent dès qu’on appuie dessus ou qu’on brandit cela comme un étendard politique. », ajouté Benjamin Stora.
La remise en question des accords de 1968 pourrait ainsi avoir des conséquences bien au-delà des considérations administratives et migratoires. Elle toucherait directement les familles franco-algériennes, fragiliserait les liens sociaux et risquerait d’exacerber les tensions entre les deux pays. Si un réajustement peut être envisagé pour répondre aux réalités contemporaines, une suppression pure et simple pourrait être perçue comme un désaveu historique, avec des répercussions imprévisibles sur l’ensemble des relations bilatérales.
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