Accusé d’avoir volé une histoire : nouveau rebondissement pour l’affaire Kamel Daoud

Kamel Daoud

L’affaire judiciaire impliquant Daoud Kamel connaît un nouveau tournant, avec une audience de procédure fixée au 10 septembre prochain en France. L’écrivain franco-algérien Daoud Kamel, lauréat du prix Goncourt 2024 pour son roman Houris, est accusé par Saâda Arbane, une femme algérienne, de lui avoir volé une histoire personnelle pour en faire la trame centrale de son ouvrage. Selon l’assignation déposée en France, cette dernière lui reproche un non-respect de la vie privée, estimant que l’écrivain a utilisé sans son consentement des éléments de son vécu, qu’elle considère reconnaissables et intimes.

Le roman Houris, publié par Gallimard, met en scène le destin d’une jeune femme, Aube, qui perd l’usage de la parole après avoir survécu à une agression islamiste, à Oran, un 31 décembre 1999. L’œuvre a été saluée par la critique et a valu à Daoud Kamel l’un des prix littéraires les plus prestigieux en France. Pourtant, ce succès s’est accompagné d’une controverse grandissante. Saâda Arbane, l’Algérienne à l’origine de la plainte, affirme que les grandes lignes du récit reprennent fidèlement une histoire qu’elle avait partagée de manière privée, ce qui, selon elle, constitue un préjudice grave.

Dans un entretien accordé à l’AFP, Saâda Arbane a déclaré qu’elle ne cherchait nullement à censurer un auteur, mais simplement à obtenir la reconnaissance d’un dommage profond, lié à l’appropriation non autorisée d’un fragment de vie qu’elle considère comme le sien. Cette déclaration met en lumière les enjeux moraux et juridiques de l’affaire. Pour sa défense, Daoud Kamel a affirmé à la radio France Inter en décembre dernier que l’histoire évoquée dans Houris est bien connue du public algérien, en particulier à Oran, et que son roman ne contient aucun nom, ni détail biographique permettant une identification directe de la plaignante. L’écrivain insiste sur le fait que son œuvre reste une fiction inspirée de faits généraux et non d’un cas particulier.

La situation se complique davantage avec la révélation, par le ministère français des Affaires étrangères, que deux mandats d’arrêts internationaux ont été émis par la justice algérienne contre Daoud Kamel. Ces mandats s’ajoutent à la procédure civile en cours en France, créant un contexte diplomatique et judiciaire tendu autour de l’auteur. En réponse, Daoud Kamel a déjà annoncé son intention de contester ces mandats, arguant qu’il s’agit d’une tentative de pression politique et juridique à son encontre.

L’éditeur Gallimard, également impliqué dans la procédure, doit, avec Daoud Kamel, transmettre ses conclusions en réponse aux accusations au plus tard une semaine avant la prochaine audience du 10 septembre. Cette date pourrait s’avérer cruciale pour la suite de l’affaire, qui soulève des questions complexes sur la frontière entre fiction littéraire et appropriation d’expériences vécues. Pour Daoud Kamel, cette audience sera l’occasion de faire valoir sa position d’écrivain engagé, mais aussi de défendre sa liberté créative face à une plainte qui pourrait, si elle aboutit, redéfinir certains contours de la jurisprudence littéraire.

Cette affaire suscite un vif intérêt, aussi bien en France qu’en Algérie, notamment parmi les intellectuels et juristes. Beaucoup s’interrogent sur la nature exacte du lien entre l’histoire de Saâda Arbane et celle d’Aube, le personnage fictif du roman Houris. Le débat est ouvert sur la légitimité d’un auteur à s’inspirer d’événements connus ou ressentis comme communs, mais perçus comme personnels par d’autres. En attendant, les regards restent braqués sur la prochaine étape judiciaire. L’affaire Daoud Kamel ne cesse de faire parler d’elle, mêlant littérature, droit à la vie privée et liberté d’expression dans une équation délicate que la justice française devra trancher. Pour l’heure, Daoud Kamel, Gallimard et la plaignante Saâda Arbane poursuivent leurs démarches dans le respect des procédures en vigueur, en attendant le verdict qui, potentiellement, fera date.