À l’aéroport Marseille Provence, des salariés de longue date, dont certains d’origine algérienne, ont vu leur vie professionnelle brutalement basculer. Après près de trois décennies au service de deux enseignes de restauration bien connues, Starbucks et Prêt à Manger, ces employés ont été licenciés pour avoir distribué des invendus alimentaires à des sans-abri, à des agents de sécurité ou encore à des agents d’entretien.
L’histoire a été révélée par ICI Provence, relayée ensuite par Franceinfo. Les faits remontent au mois de mars dernier. D’après les témoignages recueillis, les salariés auraient agi sans se cacher, parfois même devant les caméras de vidéosurveillance, dans une pratique qui, selon eux, durait depuis des années et ne faisait l’objet d’aucune interdiction explicite. L’un des salariés confie sa stupeur face à la sévérité de la sanction : « Pourquoi aller jusqu’au licenciement ? Un simple rappel à l’ordre aurait suffi », déplore-t-il, avant d’ajouter : « Il est où, le mal de donner un sandwich à un SDF plutôt que de le jeter à la poubelle ? » Un autre employé, également concerné, évoque une sanction « sans pitié » et insiste sur le caractère humain de leur geste : « On voit quelqu’un dans le besoin, qui dort en plein aéroport, on va l’aider. »
Polémique à l’aéroport de Marseille : la SSP se défend
La direction de SSP, le groupe gestionnaire des franchises au sein de l’aéroport, ne partage pas cette vision. Dans un communiqué transmis à Franceinfo, elle met en avant « une exigence de responsabilité », justifiant les licenciements par le fait que les dons ont été faits « en dehors du cadre légal ». Selon SSP, il est de leur devoir de s’assurer que « les dons alimentaires ne soient distribués de manière informelle, non encadrée et opaque ». La direction affirme également qu’« aucun salarié n’a le droit de partir avec de la marchandise destinée à être jetée », rappelant les risques juridiques, sanitaires et d’image pour l’entreprise.
Pour les salariés concernés, cette décision est difficile à accepter. Ils ont décidé de porter l’affaire devant le conseil de prud’hommes, espérant une reconnaissance du caractère disproportionné de leur licenciement. Pourtant, selon la législation en vigueur, leur geste, bien que solidaire, peut bel et bien être considéré comme une faute grave. C’est ce qu’explique l’avocate Marlène Elmassian, du cabinet CILAOS Avocats. Pour elle, même si l’affaire pose une vraie question d’ordre humain et solidaire, la loi reste stricte : « On peut comprendre que le fait de voler pour donner à un tiers sous couvert de sa précarité soit intolérable aux yeux de la loi », précise-t-elle.
Un autre élément-clé vient complexifier l’affaire, qui secoue l’aéroport de Marseille : la responsabilité sanitaire des enseignes. En cas de problème lié à la consommation des produits redistribués en dehors d’un cadre formel, Starbucks et Prêt à Manger pourraient être tenus responsables. Ce risque, selon la direction, justifie le refus de tolérer de telles pratiques, même lorsqu’elles s’inscrivent dans une logique de solidarité.
Le cas de ces salariés licenciés remet donc en lumière les contradictions entre les exigences juridiques et commerciales des entreprises, et les élans de solidarité individuels, notamment dans des lieux très exposés comme les aéroports. Il soulève aussi un débat plus large sur la gestion des invendus alimentaires et les politiques de dons dans les grandes chaînes internationales. Aujourd’hui, ces quatre salariés attendent une décision de justice, mais espèrent surtout une reconnaissance de leur geste, réalisé dans un esprit d’entraide. En attendant, leur histoire interroge sur les limites imposées à la compassion dans le monde professionnel, même après trente ans de service.
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