L’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, plaque tournante incontournable du trafic aérien international, a été en août 2024 le théâtre d’une saisie spectaculaire, sur des Algériens, qui continue encore aujourd’hui d’alimenter une vaste enquête internationale. Deux voyageurs algériens ont été arrêtés à Paris Roissy, alors qu’ils tentaient de transporter clandestinement près de 3 millions d’euros en espèces, un événement qui semblait à première vue relever d’une banale tentative de transfert d’argent illicite, mais qui s’est rapidement transformé en la révélation d’un réseau de blanchiment d’argent à l’ampleur insoupçonnée.
Le 18 août 2024, les autorités douanières en poste à l’aéroport de Roissy interceptent deux passagers algériens en possession de sommes colossales. Le premier dissimulait 1,7 million d’euros et 119 000 francs suisses, tandis que le second portait sur lui 1,2 million d’euros accompagnés d’un lingotin d’or de 82 grammes. Une saisie d’une telle ampleur, même pour l’un des plus grands aéroports européens, ne pouvait qu’attirer l’attention des services compétents. Dès les premières heures, une enquête est ouverte pour blanchiment d’argent et association de malfaiteurs, dévoilant peu à peu un système bien plus sophistiqué que celui d’un simple transport illégal d’argent liquide.
Les images de vidéosurveillance révèlent une scène intrigante : les deux Algériens n’ont pas embarqué avec ces sommes depuis l’Algérie. L’argent leur a été discrètement remis dans l’enceinte même de l’aéroport de Paris Roissy, précisément dans les toilettes, par un homme rapidement identifié comme Houssem B. Ce dernier, une figure clé dans l’affaire, a reconnu lors de son interrogatoire avoir organisé près de trente remises similaires entre février et août 2024. Les investigations approfondies ont permis de retracer un circuit financier clandestin ayant blanchi plus de 60 millions d’euros au fil des mois, reliant discrètement la France, la Turquie et indirectement l’Algérie.
Les deux transporteurs, loin d’être les cerveaux du réseau, ont expliqué leur rôle réduit au simple transfert de fonds. Rémunérés entre 700 et 1 000 euros pour chaque voyage, ils avaient pour mission de convoyer l’argent vers la Turquie, où il devait être transformé en biens ou transféré de manière à brouiller toute tentative de traçabilité. L’enquête a ainsi mis en évidence un système de « porteurs de valises », essentiels mais interchangeables, employés pour éviter que les vrais organisateurs ne prennent de risques directs.
À travers cette opération, les enquêteurs ont découvert l’existence d’un circuit parallèle d’acheminement de fonds, visant à contourner les contrôles bancaires et douaniers. Ce réseau, reposant sur la fluidité des échanges entre la France et la Turquie, utilisait l’Algérie comme façade mais opérant principalement depuis le territoire français. L’ampleur des flux financiers transitant ainsi dans l’ombre montre la capacité d’adaptation des organisations criminelles face aux mécanismes traditionnels de surveillance économique.
Depuis ces arrestations retentissantes à Roissy, l’enquête a connu plusieurs rebondissements. Houssem B. a été interpellé en mars 2025, tandis que les deux Algériens interceptés initialement font toujours l’objet de procédures judiciaires. L’un d’entre eux a été remis en liberté sous caution après plusieurs semaines de détention provisoire, alors que l’autre reste incarcéré suite au rejet de sa demande de libération par la chambre de l’instruction de Paris. Les autorités judiciaires, quant à elles, poursuivent leurs investigations pour identifier d’éventuels complices et comprendre pleinement la structure du réseau démantelé.
La saisie des trois millions d’euros à Roissy-Charles-de-Gaulle illustre la dimension grandissante du blanchiment d’argent dans les infrastructures aéroportuaires mondiales. L’affaire, en révélant les rouages minutieux d’une économie souterraine florissante, rappelle l’urgence d’une vigilance renforcée et d’une coopération judiciaire transnationale accrue pour endiguer ces réseaux sophistiqués. Roissy, malgré sa stature imposante, s’impose aujourd’hui aussi comme un champ de bataille déterminant contre les flux financiers occultes.