L’affaire Boualem Sansal continue de susciter un débat houleux entre Alger et Paris, cristallisant les tensions déjà palpables dans les relations bilatérales. Dans un entretien exclusif accordé au quotidien Echorouk, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a apporté un éclairage rare et précis sur cette affaire, tout en remettant les pendules à l’heure quant à la posture adoptée par certains milieux politiques et médiatiques français. Il affirme avec fermeté que « l’affaire Boualem Sansal est une question purement judiciaire, et non politique », balayant ainsi les interprétations alarmistes relayées en France.
Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, est au cœur d’une polémique nourrie d’approximation et de surenchère. Le recteur Hafiz insiste à plusieurs reprises : « Boualem Sansal est un citoyen algérien, entré en Algérie avec un passeport algérien. Il y entre régulièrement. » Cette précision rappelle que, malgré sa naturalisation française récente, l’intéressé reste soumis au droit du pays dont il est originaire. Or, dans cette affaire Boualem Sansal, la confusion entretenue par certains médias français semble volontaire, entre les statuts juridiques et les symboles politiques.
Chems-Eddine Hafiz affirme que « rien dans l’interpellation de Boualem Sansal ne sort du cadre légal. Il a eu accès à un avocat, sa famille a été informée, et un procureur suit le dossier. » Ces propos viennent contrer les accusations d’arrestation arbitraire, relayées notamment par les cercles de l’extrême droite française. Ces derniers ont largement médiatisé l’affaire Boualem Sansal, brandissant sa nationalité française pour pointer du doigt une soi-disant dérive autoritaire du régime algérien. Pourtant, souligne le recteur, il ne s’agit pas d’un enlèvement, encore moins d’un acte politique.
La réaction française, jugée disproportionnée par de nombreux observateurs, s’inscrit dans un climat tendu. L’ambassadeur de France à Alger, rappelé pour consultation, n’a toujours pas repris son poste. Une absence que Chems-Eddine Hafiz considère comme symptomatique d’un malaise plus profond : « la relation coloniale entre l’Algérie et la France n’a jamais réellement été rompue », dit-il. Il met en lumière une nostalgie coloniale persistante, instrumentalisée par certains courants politiques en France, en particulier ceux qui rêvent encore d’une “Algérie française”.
Cette instrumentalisation, selon lui, nourrit une hostilité latente à l’encontre de l’Algérie et des Franco-Algériens. « Aujourd’hui, être Algérien ou Franco-Algérien en France est devenu un véritable problème », déplore-t-il. Les tensions culturelles et identitaires servent parfois de prétexte à des discours discriminants. Pourtant, la réalité sociale et économique contredit ces stigmatisations. « Les hôpitaux français fonctionnent grâce à de nombreux médecins algériens », rappelle le recteur, mettant en avant les multiples contributions de la diaspora algérienne.
Face à cette tempête politico-médiatique, la voix du recteur de la Grande Mosquée de Paris se veut rassurante et modérée. Il déclare : « J’ai confiance dans les deux présidents », évoquant Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron. Une manière de réaffirmer son espoir d’un apaisement possible, en dépit de la complexité des enjeux. Il rappelle également que « la Grande Mosquée de Paris restera un pont pour l’apaisement », soulignant la responsabilité morale et historique de cette institution.
Enfin, Chems-Eddine Hafiz insiste en appelant à ne pas politiser ce dossier judiciaire. Dans l’affaire Boualem Sansal, dit-il, « les médias français ont préféré présenter cela comme un acte de répression », alors que les procédures suivies en Algérie respectent le cadre légal. À ses yeux, les débats doivent cesser d’être alimentés par des fantasmes postcoloniaux ou des pressions idéologiques, et revenir à la réalité des faits.
Cette mise au point, tout en nuances et en précisions, remet la France à sa place dans l’affaire Boualem Sansal. Elle appelle à dépasser les lectures simplistes et invite au retour d’un dialogue fondé sur le droit, la souveraineté et le respect mutuel. Car dans cette affaire Boualem Sansal, comme dans tant d’autres, le vrai enjeu demeure celui d’une relation équilibrée entre deux pays unis par une histoire douloureuse, mais appelés à construire un avenir partagé.