Affaire du drone malien neutralisé par l’Algérie : rappel immédiat de 3 Ambassadeurs

drone armé Algérie

La neutralisation d’un drone malien par l’armée algérienne, survenue à la fin du mois de mars, a plongé les relations entre l’Algérie et ses voisins sahéliens dans une zone de turbulence diplomatique d’une intensité rare. Le dimanche 6 avril 2025, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé, dans un communiqué commun, le rappel immédiat de leurs ambassadeurs accrédités à Alger, invoquant une action hostile et préméditée.

L’appareil en question, un drone malien armé et de reconnaissance, aurait selon Alger pénétré son espace aérien au nord du territoire malien, ce qui aurait justifié son abattage. L’incident, qualifié d’« agression » par les autorités de Bamako, a rapidement provoqué une onde de choc au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), renforçant un climat régional déjà alourdi par les suspicions et les accusations réciproques.

Le ministère des Affaires étrangères malien, dans un communiqué particulièrement virulent, a affirmé que le drone avait été abattu de manière délibérée, avec des moyens militaires qui laissent peu de place au doute. Selon les données techniques fournies, la rupture de liaison avec l’aéronef s’est produite à 441 mètres de l’endroit où les débris ont été retrouvés, les deux points étant situés à 9,5 kilomètres au sud de la frontière, donc sur le territoire malien. La trajectoire verticale de chute et les dégâts relevés sur la carcasse du drone renforcent, selon Bamako, l’hypothèse d’un tir ciblé, probablement effectué par un missile sol-air ou air-air. Cette version des faits nourrit l’indignation de la junte malienne, qui accuse l’Algérie d’avoir porté atteinte à sa souveraineté avec préméditation, dans un geste qu’elle qualifie de « condescendant » et « inamical ».

La réaction ne s’est pas fait attendre. En plus du rappel des ambassadeurs, le Mali a convoqué le représentant diplomatique algérien à Bamako pour exprimer une protestation officielle. Il a également annoncé son retrait immédiat du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), une structure sécuritaire sahélienne coordonnant la lutte antiterroriste dans la région. Cette mesure, couplée à l’annonce d’une plainte à venir devant des instances internationales, montre la volonté du Mali de porter cette affaire au-delà du simple cadre bilatéral. Le silence des autorités algériennes, qui n’ont pour l’heure formulé aucun commentaire officiel sur l’incident, alimente encore davantage les spéculations et la tension.

Cet épisode s’inscrit dans une dynamique conflictuelle de plus en plus marquée entre Alger et les régimes militaires sahéliens. Les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Mali sont en dégradation constante depuis plusieurs mois. Un précédent épisode de brouille diplomatique, en décembre 2023, avait déjà conduit au rappel des ambassadeurs des deux pays. Mais cette fois, l’escalade semble prendre une dimension plus grave encore. Le Mali, qui accuse l’Algérie de jouer un double jeu avec certains groupes armés opérant dans la zone frontalière, semble vouloir tourner définitivement la page des relations de coopération traditionnelles.

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Le climat régional a par ailleurs été profondément bouleversé par le retrait malien de l’accord de paix d’Alger, signé en 2015. Ce texte, longtemps considéré comme la pierre angulaire des efforts de stabilisation du nord malien, avait été suspendu fin janvier 2024 par la junte au pouvoir à Bamako, qui estimait que les conditions de son application n’étaient plus réunies. En parallèle, les autorités maliennes, qui ont tourné le dos à leurs partenaires occidentaux depuis leur prise de pouvoir en 2020 et 2021, ont choisi de renforcer leur alliance avec la Russie et de former, avec le Niger et le Burkina Faso, une nouvelle entité géopolitique : l’Alliance des États du Sahel (AES).

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Ces trois pays, liés par un destin commun forgé dans les soubresauts de coups d’État successifs, ont également quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), accusée d’être inféodée à la France. Le rappel coordonné des ambassadeurs en Algérie marque une nouvelle étape dans leur stratégie d’émancipation diplomatique, mais pose aussi de nombreuses questions sur les équilibres sécuritaires dans une région déjà déstabilisée par la menace djihadiste persistante et les rivalités d’influence. L’absence de dialogue officiel entre Alger et les membres de l’AES pourrait à terme fragiliser les efforts de lutte contre les groupes armés transfrontaliers, en l’absence d’un cadre de coopération efficace.

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Alors que les regards sont désormais tournés vers la réaction attendue d’Alger et les suites éventuelles sur la scène internationale, cet incident diplomatique met en lumière les lignes de fracture grandissantes dans le Sahel, où les alliances se recomposent à vive allure, sur fond de tensions militaires, de méfiances stratégiques et d’enjeux géopolitiques de plus en plus complexes.