Dans le dédale des ruelles animées de Chéraga, là où l’odeur du tabac se mêle aux échos des conversations de quartier, personne ne se doutait que derrière la devanture anodine d’un petit magasin se cachait une véritable usine à billets. L’affaire a fait frémir les comptoirs et mis en alerte les autorités monétaires du pays : un commerçant, en apparence tranquille, s’est mué en artisan du faux, imprimant dans l’ombre des coupures de 1 000 et 2 000 dinars comme on imprime des tickets de caisse.
Tout commence, selon Ennahar, un soir de décembre, le 26 précisément, dans une ambiance fraîche où les rues d’Alger respirent la fin d’année. Un commerçant en quincaillerie, installé dans le même secteur, reçoit la visite d’un client tardif. Une transaction ordinaire, quelques articles échangés, et une liasse de billets en paiement. Mais le lendemain, l’évidence s’impose : les billets reçus sont des contrefaçons, des copies trompeuses au toucher, mais facilement repérables à l’œil aguerri.
Alertée, la police judiciaire se saisit rapidement de l’affaire. Les images de vidéosurveillance deviennent les premiers témoins silencieux du délit. Une voiture, une Renault Symbol, revient souvent à l’écran. Une plaque, une silhouette, un visage. L’étau se resserre autour de B. Kamal, propriétaire du magasin de tabac du quartier. L’homme est arrêté sans fracas, mais avec sur lui, comme une signature de son crime, une poignée de billets falsifiés. Ce n’était que la surface.
La suite ressemble à une scène de film noir. Chez lui, 119 000 dinars en faux billets sont découverts. Et dans son commerce ? Un véritable laboratoire clandestin. Imprimante, plastifieuse, encre, papier haut de gamme, rubans métallisés imitant les hologrammes des coupures officielles, feuilles pré-découpées prêtes à l’impression… Le tout rangé soigneusement, comme si on préparait une édition limitée de la monnaie nationale. Le détail glaçant : certaines feuilles portaient déjà les couleurs familières des 1 000 et 2 000 dinars, n’attendant qu’un dernier passage sous la machine pour rejoindre la rue.
L’homme ne nie rien. À chaque étape de l’enquête, il confirme, assume, reconnaît. Il ne s’enfonce pas dans les justifications ou les dénégations évasives. Son silence ne protège personne : aucun complice mentionné, aucun réseau plus vaste démasqué. Était-il un solitaire du faux ou un maillon discret d’un engrenage plus vaste ? L’enquête n’a pas tranché cette part d’ombre. Mais le préjudice, lui, est bien réel.
Devant la cour criminelle d’appel, la Banque d’Algérie se constitue partie civile. Son représentant ne mâche pas ses mots : l’acte de falsification n’est pas une simple infraction, c’est une attaque directe contre l’économie nationale. Chaque faux billet injecté dans le circuit légal brouille les échanges, sape la confiance, et ternit la réputation du dinar. Pire encore : l’ampleur de la fraude demeure inconnue. Combien de billets ont déjà glissé dans les mains d’innocents commerçants ? Combien de transactions ont été viciées par ces copies presque parfaites ?
Le procureur général, lui, demande une réponse ferme : dix années de prison ferme, un million de dinars d’amende, la confiscation de l’ensemble du matériel et une leçon gravée dans les registres. Mais la cour opte pour une sentence plus nuancée : trois ans de prison, dont un avec sursis, 300 000 dinars d’amende, et 200 000 dinars de dommages-intérêts à verser à la Banque d’Algérie. Une sanction qui scelle l’affaire mais laisse une question en suspens : dans un monde où la technologie rend les contrefaçons presque indétectables, combien d’autres Kamal restent tapis dans les marges de la légalité ?
À Chéraga, le rideau est tombé sur un commerce qui imprimait l’illusion. Mais dans les coulisses de l’économie réelle, la vigilance reste de mise. Parce qu’un faux billet, aussi bien imité soit-il, trahit toujours son origine : celle d’un monde où la vérité, parfois, s’imprime en trompe-l’œil.
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