Algérie : appels pour exporter en urgence un produit

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En Algérie, la surproduction de pomme de terre inquiète de plus en plus les professionnels du secteur agricole, poussant certains élus à interpeller directement le gouvernement sur la nécessité d’exporter ce produit avant qu’il ne se transforme en véritable perte économique. Le ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, a ainsi été officiellement sollicité par le député Belkheir Zakaria pour une ouverture « urgente » des exportations de ce produit, afin de préserver la stabilité du marché national et de soutenir les agriculteurs lourdement touchés par cette abondance inattendue.

Dans une correspondance écrite datée du 27 octobre 2025 et adressée au ministre, le député, membre de la commission de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique à l’Assemblée populaire nationale, a tiré la sonnette d’alarme sur le sort du surplus de pomme de terre produit cette année à travers l’Algérie. Il cite notamment la commune d’Aflou, dans la wilaya de Laghouat, où la superficie cultivée dépasse les 6 000 hectares pour un rendement moyen estimé à 500 quintaux par hectare, un record historique. Les prévisions nationales évoquent une production totale de plus de 132 000 tonnes, soit bien au-delà des besoins du marché intérieur, déjà saturé par une offre excédentaire.

Ce succès agricole, en apparence prometteur, s’accompagne paradoxalement d’un risque économique majeur. La surproduction de pomme de terre en Algérie entraîne une chute brutale des prix sur le marché local, mettant à mal les revenus des producteurs. Faute d’infrastructures de stockage suffisantes et de débouchés extérieurs, une grande partie de la récolte risque de se perdre. Certains agriculteurs, notamment dans les régions de Bouira et d’Oued Souf, ont déjà exprimé leur désarroi, redoutant des pertes considérables après une campagne agricole coûteuse marquée par la hausse des prix des intrants.

Le député Belkheir Zakaria plaide pour une mesure rapide : exporter ce produit afin de stabiliser les prix, protéger les agriculteurs et éviter la détérioration du marché intérieur. Dans sa lettre, il insiste sur la nécessité d’une stratégie d’exportation encadrée et durable, qui permettrait à la fois d’écouler le surplus et d’ouvrir de nouveaux marchés pour la pomme de terre algérienne. Selon lui, une telle décision pourrait être bénéfique à court terme pour les producteurs et, à long terme, pour la politique d’exportation hors hydrocarbures que l’Algérie cherche à consolider depuis plusieurs années.

Toutefois, certains experts estiment que la situation n’affecte pas tous les agriculteurs de la même manière. Le directeur des services agricoles d’une wilaya de l’ouest du pays, intervenant lors d’une conférence nationale sur la modernisation de l’agriculture, a précisé que ceux qui ont intégré le nouveau système de régulation du marché des fruits et légumes sont relativement protégés. Ce mécanisme, mis en place par les autorités, permet à un organisme national d’acheter directement la production auprès des agriculteurs conventionnés, en tenant compte des coûts de production et d’une marge bénéficiaire. Dans certains cas, les prix d’achat atteignent jusqu’à 50 dinars le kilogramme, garantissant un minimum de stabilité financière aux exploitants concernés.

Mais pour de nombreux producteurs indépendants, la réalité est tout autre. Sans soutien logistique ni réseau d’écoulement, ils se retrouvent souvent contraints de brader leur produit ou de le voir se détériorer. Plusieurs vidéos virales ont circulé ces derniers mois montrant des agriculteurs désespérés, contraints de jeter leur récolte sur les routes faute de trouver des acheteurs. Ces scènes, devenues tristement symboliques, rappellent la fragilité du secteur agricole en Algérie et l’urgence d’une meilleure politique d’accompagnement et de gestion des excédents.

Pour mémoire, l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) avait déjà annoncé, entre fin juillet et début août, l’autorisation temporaire d’exporter la pomme de terre vers des destinations régionales comme la Tunisie. Cette mesure visait à soutenir les producteurs tout en diversifiant les exportations du pays. Cependant, face aux inquiétudes des consommateurs et à la crainte d’une éventuelle pénurie, cette autorisation avait été suspendue quelques semaines plus tard. Les autorités redoutaient alors de reproduire les épisodes de rareté qui avaient, par le passé, poussé le gouvernement à importer massivement ce produit, après que plusieurs agriculteurs eurent abandonné cette filière à cause de pertes répétées.