Le 16 mars, France 5 diffusera le résultat des recherches sur la guerre d’Algérie de l’historien Christophe Lafaye dans un documentaire qui pourrait faire du bruit en France. Intitulé « Algérie, sections armes spéciales », ce programme révèle un aspect méconnu et controversé du conflit : l’utilisation de gaz toxiques par l’armée française pour neutraliser les combattants du FLN retranchés dans des grottes.
Christophe Lafaye, spécialiste de l’histoire militaire et chercheur associé au service historique de la Défense, a exhumé des documents qui démontrent que l’armée française a eu recours à des armes chimiques pour mener des opérations de nettoyage dans des zones où les maquisards opposés à la présence coloniale française trouvaient refuge. « L’armée française a utilisé des gaz asphyxiants pour déloger les maquisards. Plus de 450 opérations de ce type ont été recensées », affirme-t-il.
Ces opérations ont principalement eu lieu entre 1957 et 1959 dans les montagnes de Haute-Kabylie et des Aurès, des régions où les forces françaises étaient confrontées à une résistance acharnée. « Ces grottes étaient des refuges stratégiques pour les combattants, mais aussi pour des civils qui fuyaient les combats », explique l’historien. « L’utilisation de gaz dans ces conditions a causé la mort de nombreux innocents. »
Le produit chimique utilisé, identifié sous le nom de CN2D, était un mélange de composés chimiques conçu à l’origine pour le maintien de l’ordre. « Ce gaz était initialement destiné à disperser des foules, mais détourné en arme mortelle lorsqu’il était utilisé en forte concentration dans un espace clos », précise Christophe Lafaye. L’effet était redoutable : les maquisards, piégés dans des grottes sans issue, succombaient à l’asphyxie.
L’armée française avait créé des « sections armes spéciales », des unités composées d’appelés du contingent formés à l’utilisation de ces gaz toxiques. « Ces soldats, souvent très jeunes, étaient chargés de manipuler et de déployer les gaz lors des opérations », détaille Lafaye. Ces sections ont été engagées dans des missions de ratissage visant à neutraliser les combattants du FLN sans engager de combats directs, limitant ainsi les pertes du côté français.
Malgré la signature du Protocole de Genève en 1925, qui interdit l’usage de gaz toxiques en temps de guerre, l’armée française a justifié son recours à ces armes en prétendant qu’il ne s’agissait pas d’une guerre conventionnelle menée par la France, mais d’une opération de maintien de l’ordre en Algérie. « On a joué sur une ambiguïté juridique pour contourner les interdictions internationales », estime Christophe Lafaye.
La question de l’accès aux archives militaires reste aujourd’hui un enjeu central pour faire toute la lumière sur ces pratiques. « Les documents existent, mais une grande partie demeure classifiée. Il est essentiel qu’ils soient accessibles pour comprendre l’ampleur de ces opérations et permettre aux familles des victimes de faire leur deuil », plaide l’historien.
Ce documentaire s’annonce comme un élément clé du débat sur les méthodes employées par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Il soulève une question plus large sur la reconnaissance des exactions commises et le devoir de mémoire. « La France doit affronter son passé colonial avec lucidité et courage. Il ne s’agit pas d’accuser, mais de comprendre et d’assumer l’histoire », conclut Christophe Lafaye.
Avec ces révélations, le documentaire de France 5 pourrait bien raviver des tensions et relancer le débat sur les crimes commis durant la guerre d’Algérie qui continue de hanter les mémoires des deux côtés de la Méditerranée.
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