L’Algérie ferme la porte à 9 millions de tonnes d’un produit français 

Produit français Algérie

L’Algérie, longtemps considérée comme l’un des plus importants marchés d’exportation pour un produit français stratégique, a brusquement fermé ses portes à l’importation de blé en provenance de France. Cette décision, qui concerne environ 9 millions de tonnes annuelles de ce produit français, provoque un véritable séisme dans le secteur céréalier de l’Hexagone, en particulier en Bourgogne, région historiquement liée à cette filière. Jusqu’alors, l’Algérie représentait une destination privilégiée pour les producteurs de blé français, notamment ceux regroupés au sein de l’union Cérévia. Ce changement radical bouleverse profondément les équilibres économiques de ce marché agricole.

Alain Caekaert, directeur général de Cérévia, une union de commercialisation de quatre coopératives agricoles – Dijon Céréales, Bourgogne du Sud, GIE Terre Comtoise et Oxyane – a confirmé à un média français que l’Algérie n’achète plus du tout de blé à la France. Ce refus d’importation du produit français par l’Algérie constitue un tournant majeur, car le volume concerné par cette rupture atteint les 9 millions de tonnes. Le marché algérien, longtemps acquis à la production française, ne semble plus figurer parmi les priorités stratégiques des exportateurs hexagonaux.

Les raisons de cette fermeture sont multiples. D’un côté, l’Algérie diversifie de plus en plus ses sources d’approvisionnement en blé, notamment vers l’Europe de l’Est. La concurrence ukrainienne est devenue particulièrement agressive, notamment en raison de prix compétitifs et de frais logistiques maîtrisés. Dans le même temps, la France subit une dégradation de ses rendements, conséquence directe d’aléas climatiques répétés et d’un contexte réglementaire de plus en plus contraignant. Des taxes supplémentaires sur les engrais, imposées récemment en France, pèsent aussi lourdement sur la rentabilité du blé destiné à l’exportation.

Ce nouveau positionnement de l’Algérie vis-à-vis du blé français n’est pas sans conséquence pour l’ensemble de la chaîne logistique et commerciale du secteur. La logistique portuaire, les silos, les transporteurs, tout l’écosystème autour de ce produit français exporté vers l’Algérie est désormais déséquilibré. Pour les producteurs, l’absence du marché algérien, qui absorbait chaque année jusqu’à 9 millions de tonnes, rend l’écoulement des stocks plus complexe. Cela accroît la dépendance aux marchés de substitution, qui ne présentent pas toujours les mêmes garanties ni la même stabilité.

Face à cette fermeture, certains espéraient que le Maroc, autre pays du Maghreb, puisse reprendre le relais et devenir un nouveau débouché pour le blé français. Mais cette hypothèse reste fragile. Le Maroc, bien qu’importateur régulier de ce produit français, ne possède ni les moyens financiers ni les infrastructures nécessaires pour absorber un volume aussi important que celui que l’Algérie achetait. Le différentiel de capacités est trop important pour compenser efficacement la perte de l’un des marchés les plus stratégiques pour les exportateurs français.

Ce changement brutal révèle également un réalignement géopolitique et commercial plus large entre l’Algérie et ses partenaires internationaux. L’Algérie, en réduisant drastiquement ses achats de blé français, envoie un signal clair sur sa volonté de reconfigurer ses relations économiques avec la France. Cela montre également que la stratégie d’autonomisation agricole algérienne commence à produire ses effets, même si elle reste encore partielle.

L’avenir du commerce de blé entre la France et l’Algérie demeure donc incertain. Ce produit français, pourtant central dans les échanges agricoles entre les deux pays, pourrait définitivement disparaître des circuits d’importation algériens si aucune solution alternative n’émerge. La décision de l’Algérie de se détourner d’un volume aussi massif – 9 millions de tonnes par an – montre à quel point les marchés agricoles sont sensibles aux fluctuations géopolitiques, climatiques et économiques.

À travers cette décision, l’Algérie redéfinit sa politique d’approvisionnement alimentaire. En même temps, le secteur céréalier français est contraint de réagir rapidement, en repensant ses stratégies d’exportation pour un produit français désormais privé d’un débouché aussi central. L’équation reste complexe : comment compenser la perte de 9 millions de tonnes annuelles sans remettre en cause la rentabilité globale de la filière ? La réponse devra être trouvée rapidement si les acteurs agricoles veulent préserver leur équilibre économique dans un marché international de plus en plus imprévisible.