Algérie – France : Retailleau met Renault dans de sales draps

Renault Algérie Tebboune

Les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie ne cessent de s’aggraver, affectant non seulement les relations politiques, mais aussi les intérêts économiques des entreprises françaises implantées en Algérie. Renault, acteur majeur du secteur automobile, se retrouve désormais pris au piège de cette crise qui compromet ses activités en Algérie. Alors que la firme attend depuis plus d’un an l’agrément du gouvernement algérien pour relancer son usine d’Oran, la position adoptée par le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, pourrait bien compromettre encore davantage la situation. En durcissant le ton contre Alger, Retailleau met Renault dans une posture délicate, alors même que l’Algérie n’a jamais fermé la porte au dialogue.

L’histoire des relations franco-algériennes est jalonnée de crises successives, oscillant entre rapprochements diplomatiques et tensions exacerbées. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, les rapports entre Paris et Alger n’ont jamais été véritablement apaisés. L’été 2024 a marqué une nouvelle escalade lorsque le président français Emmanuel Macron a exprimé son intention de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire disputé que l’Algérie revendique comme sien. Cette prise de position a provoqué une vive réaction de la part du gouvernement algérien, ravivant des tensions qui semblaient en voie d’apaisement.

Dans ce climat tendu, la visite de la ministre française de la Culture, Rachida Dati, dans la région le 17 février dernier a contribué à envenimer la situation. Depuis cette date, l’Algérie a adopté une politique plus ferme en refusant d’accueillir ses ressortissants visés par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Ce blocage s’est traduit par une impasse diplomatique qui commence à avoir des répercussions directes sur le monde économique. Renault, fleuron de l’industrie automobile française, en fait aujourd’hui les frais.

L’usine Renault d’Oran, inaugurée en 2014, est à l’arrêt depuis 2020. À l’époque, les autorités algériennes avaient mené une série d’enquêtes sur fond de soupçons de corruption impliquant plusieurs concessionnaires locaux. Le site de production, qui assemblait les modèles Logan et Sandero destinés au marché algérien, devait initialement rouvrir après clarification de la situation. Cependant, le contexte politique et la détérioration des relations entre les deux pays ont gelé tout espoir de relance rapide. Renault attend désormais un agrément du gouvernement algérien pour reprendre ses activités, mais l’instabilité diplomatique semble freiner toute avancée.

« Notre projet de relance et de développement industriel des installations du site d’Oran avec l’arrivée de nouveaux véhicules a été soumis aux autorités compétentes depuis plus d’un an », déclarait Rémi Houillons, responsable des activités industrielles de Renault Algérie, à l’automne dernier. Malgré cette attente prolongée, aucune avancée concrète n’a été constatée. Cette situation représente un énorme manque à gagner pour Renault, qui détenait encore en 2020 près de 25 % de parts de marché en Algérie.

Alors que Renault tente de naviguer dans cette situation complexe, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur français, vient d’adopter une posture encore plus intransigeante vis-à-vis de l’Algérie, menaçant notamment de sanctionner la compagnie aérienne nationale, Air Algérie. Invité sur BFMTV-RMC le 3 mars, il a déclaré : « Je ne m’interdis rien. On peut vérifier les conditions dans lesquelles les commandants de bord respectent notre droit et les formalités administratives. » Il a ajouté : « J’observe qu’à Alger, ils ne s’en privent pas. »

Les propos du ministre s’inscrivent dans un bras de fer qui dure depuis plusieurs semaines. Dans une note interne adressée à ses services à la mi-février, Retailleau avait pris acte d’une « exigence supplémentaire et nouvelle » de la part d’Air Algérie, qui, selon lui, ne respecterait plus les accords bilatéraux en matière de rapatriement des ressortissants en situation irrégulière.

Le document précisait que la compagnie nationale algérienne demandait désormais des laissez-passer consulaires, même lorsque les passagers en question étaient en possession de documents d’identité valides. Face à ce changement de procédure, Retailleau a ordonné à ses services d’exiger systématiquement un écrit attestant du refus d’embarquement de la part d’Air Algérie. « Si la délivrance d’un écrit est également refusée, l’identité du chef d’escale devra être relevée », stipulait la note.

Dans ce contexte, Retailleau ne cache pas son intention de mettre en place une « riposte graduée » contre l’Algérie. Il a notamment évoqué la possibilité d’établir une liste de plusieurs centaines de personnes que la France souhaite expulser, soulignant que des sanctions plus larges pourraient être envisagées.

Cette montée en tension fragilise encore plus la position de Renault, dont l’avenir en Algérie dépend largement des décisions du gouvernement algérien. Si Alger perçoit les actions de la France comme une hostilité grandissante, il est probable que l’agrément tant attendu par Renault tarde encore à être accordé.

Le constructeur automobile français se retrouve donc pris entre deux feux. D’un côté, une Algérie qui cherche à affirmer son indépendance diplomatique et qui, en réponse aux pressions françaises, pourrait ralentir encore plus l’approbation du dossier Renault. De l’autre, une France dont le gouvernement actuel adopte une ligne dure, sans considération apparente pour les répercussions économiques sur les entreprises françaises opérant en Algérie.

Si aucune issue diplomatique n’est trouvée rapidement, Renault pourrait voir son usine d’Oran rester en suspens pour une durée indéterminée, menaçant des centaines d’emplois et mettant en péril son positionnement sur un marché stratégique. Reste à savoir si les intérêts économiques de groupes comme Renault seront pris en compte dans les négociations à venir entre Paris et Alger, ou si la crise actuelle marquera un point de non-retour dans les relations entre les deux pays.

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