L’Algérie interdit tout voyage en France à ces personnes

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Une note de la direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères proscrit « tout déplacement à caractère touristique ou personnel » dans l’Hexagone. Elle souligne enfin « le caractère impératif et strict de cette consigne ». L’Algérie interdit ainsi tout voyage en France pour certaines personnes.

Datée du 13 mars, la directive de la direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères, qui interdit le voyage depuis d’Algérie vers la France, proscrit « tout déplacement à caractère touristique ou personnel vers la France pour les diplomates et leurs familles jusqu’à nouvel ordre, y compris les transits via les aéroports français ». Elle souligne enfin « le caractère impératif et strict de cette consigne » et appelle à « une application rigoureuse des mesures conservatoires qu’elle comporte ». C’est en effet ce dont fait part le média Le Monde.

Interdiction de voyage en France : l’Algérie n’a fait que de réagir

Cette interdiction de voyage en France, imposée par l’Algérie, est une réponse aux restrictions prises par les autorités françaises contre les détenteurs de passeports diplomatiques algériens. A la mi-février, Abdelaziz Khellaf, l’ancien directeur de cabinet de la présidence algérienne, avait été interdit d’entrée en France avec son épouse en raison d’une « absence d’assurances voyages et justificatifs d’hébergement ». Puis, début mars, l’épouse de l’ambassadeur d’Algérie au Mali s’était vue refuser le passage aux frontières pour « absence de justificatifs de ressources », alors qu’elle avait tous les documents nécessaires sur elle.

À coups de mesures restrictives de part et d’autre, les tensions entre l’Algérie et la France n’ont font que s’accroître, pendant plusieurs semaines. À la mi-février, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau réclamait un « rapport de force avec l’Algérie », suite aux nombreux refus d’Alger d’accepter le retour de ses citoyens objets d’une mesure d’expulsion. De son côté, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot voulait croire aux vertus de la diplomatie et appelait à un dialogue constructif.

Quelques semaines plus tard, l’Algérie avait à nouveau refusé la liste des noms d’une soixantaine d’Algériens à expulser de France. L’Hexagone a finalement répondu en suspendant l’exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Désormais, toute demande de visa devra suivre un processus strict et passer par des contrôles renforcés. Cette décision marque une étape supplémentaire dans la détérioration des relations bilatérales, qui semblaient pourtant en phase d’apaisement après plusieurs tentatives de rapprochement diplomatique au cours des derniers mois.

En parallèle, l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 16 novembre 2024 à Alger, et sa condamnation à une peine de cinq ans de prison, le 27 mars dernier, continuent d’alimenter la tension entre les deux pays. Cette décision judiciaire a suscité l’indignation de nombreux acteurs politiques et culturels en France.

Sortie progressive de crise

C’est un signe d’apaisement dans les tensions entre Alger et Paris, et c’est le président algérien Abdelmadjid Tebboune qui a fait le premier pas en déclarant : « mon unique point de repère, c’est le président Macron », une déclaration faite durant une longue interview accordée à la télévision nationale algérienne, le samedi 22 mars dernier. Les autorités françaises ont salué cette volonté du président algérien de renouer des liens.

Respecter les canaux officiels : à savoir des échanges directs entre présidents et sinon déléguer uniquement aux ministres des Affaires étrangères. Si Abdelmadjid Tebboune a tendu la main, propose à Paris de sortir de la crise diplomatique en cours, c’est en respectant les codes que le chef de l’État algérien souhaite le faire.

« Je dirais trois mots pour ne pas tomber dans ce brouhaha, ce capharnaüm politique là-bas. Nous, on garde comme point de repère, et l’unique point de repère, pour moi, c’est le président Macron. Nous travaillons ensemble. Il y a eu, c’est vrai, un moment d’incompréhension, mais il reste le Président de la République française. Tous les problèmes doivent se régler avec lui ou avec la personne qu’il délègue, à juste titre, dans ses prérogatives, à savoir le ministre des Affaires étrangères. Ces deux États indépendants – une puissance européenne, une puissance africaine – les deux présidents travaillent ensemble, c’est tout. Tout le reste ne nous concerne pas », a déclaré le président algérien.

Sans le citer, Abdelmadjid Tebboune vise directement le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Ce dimanche 23 mars, en expliquant qu’il n’y a aucune tension entre les ministres sur l’Algérie, et qu’il y a une vision commune partagée avec Emmanuel Macron, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a salué la déclaration du président algérien.

« Vous ne pouvez pas trouver de solution avec l’Algérie si vous ne parlez pas à l’Algérie. Il faut donc sortir de cette affaire par le dialogue. Moi, j’ai entendu que le président Tebboune avait fait un petit signe vis-à-vis d’Emmanuel Macron. C’est très bien. Voilà une façon de renouer le dialogue et d’échanger sur les sujets qui sont les sujets sensibles entre les deux présidents. C’est un bon signal », a déclaré, pour sa part, la porte-parole du gouvernement français.

Recherche commune de l’apaisement, reste que les conflits entre Alger et Paris sont multiples, complexes et que cette crise diplomatique est jugée comme la plus grave, depuis l’indépendance de l’Algérie, par de nombreux observateurs.

Joint par des médias français, Brahim Oumansour, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, souligne que le respect mutuel entre les deux pays et le retour à des canaux diplomatiques de haut niveau sont essentiels.

« Il y a un signe, en tout cas, d’ouverture vers le dialogue et un appel, surtout, à discuter, à traiter cette crise que je considère la plus grave entre les deux pays via les canaux diplomatiques. Je crois que c’est cela, peut-être, la condition qui a été fixée par le président algérien pour éviter le pire, éviter une rupture qui n’est pas souhaitable des deux côtés de la Méditerranée, dans un environnement très instable et marqué par des tensions entre Alger et Rabat, l’instabilité au Sahel et il y a aussi des enjeux sécuritaires au niveau de la Méditerranée, trafic de drogue, terrorisme… Tous ces enjeux communs imposent, aux deux pays, de maintenir une coopération, de dépasser les tensions. Tous ces différents sujets imposent bien évidemment à ces deux États de poursuivre le dialogue avec le respect mutuel. »

Malgré cette volonté d’apaisement affichée par le président Tebboune, certains points de friction persistent. Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, continue d’adopter une position ferme sur la question des visas et des expulsions, un sujet particulièrement sensible en Algérie. De plus, la récente interdiction pour les diplomates algériens de voyager en France, décidée par Alger en réponse aux restrictions françaises, illustre que la méfiance demeure.

Toutefois, plusieurs signaux laissent entrevoir une sortie progressive de cette crise. Emmanuel Macron, bien que discret sur ce dossier, a récemment rappelé l’importance des relations entre les deux pays et exprimé son souhait de travailler avec son homologue algérien sur des sujets stratégiques tels que la sécurité au Sahel et les échanges économiques. Par ailleurs, des discussions entre les ministères des Affaires étrangères des deux pays auraient déjà repris en coulisses afin de poser les bases d’un dialogue plus apaisé.

Si les tensions entre Alger et Paris ont atteint un niveau rarement observé ces dernières années, cette ouverture du président Tebboune marque peut-être un tournant. La balle est désormais dans le camp de l’Élysée, qui devra décider de la suite à donner à cette main tendue. Les prochaines semaines seront cruciales pour déterminer si cette crise diplomatique trouve une issue favorable ou si elle s’enlise davantage dans les malentendus et les postures rigides de part et d’autre.

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