Un nouveau tournant vient d’être franchi dans les relations déjà fragiles entre la France et l’Algérie. Ce lundi 12 mai, l’Algérie a officiellement notifié à la France l’expulsion de quinze fonctionnaires français, marquant un nouvel épisode de crispation entre les deux pays. La France, prise de court par cette décision inattendue, a vivement réagi par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui a dénoncé une mesure « injustifiée et injustifiable », assurant qu’une réponse « immédiate, ferme et proportionnée à l’atteinte portée à nos intérêts » serait apportée. L’Algérie, pour sa part, évoque des irrégularités administratives liées à la présence de ces agents sur son sol.
Selon la communication officielle algérienne, les quinze fonctionnaires français expulsés d’Algérie étaient censés « assumer des fonctions diplomatiques ou consulaires sans que ces affectations n’aient fait, au préalable, l’objet, ni de notifications officielles, ni de demandes d’accréditation appropriées comme l’exigent les procédures en vigueur ». La France, qui conteste cette version, affirme qu’aucune règle n’a été enfreinte et accuse l’Algérie d’avoir agi unilatéralement. Ce n’est pas la première fois que ce type de décision survient : mi-avril déjà, douze agents français avaient été contraints de quitter l’Algérie, déclenchant alors une mesure équivalente de la part de Paris. Cette nouvelle expulsion porte désormais à 27 le nombre de fonctionnaires français expulsés d’Algérie depuis le début de l’année.
« La relation reste bloquée et totalement gelée », avait récemment regretté Jean-Noël Barrot, qui tient l’Algérie pour seule responsable de cette dégradation. Il a rappelé que la France ne « s’interdit pas » de prendre des sanctions. « Ce n’est pas uniquement une décision brutale sur le plan administratif, ce sont des hommes et des femmes qui ont dû quitter précipitamment leurs familles, leurs enfants, leurs domiciles », a-t-il précisé. Rappelé en France à la demande du président Emmanuel Macron, l’ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, n’a toujours pas regagné son poste, signe que la tension entre la France et l’Algérie reste palpable et durable.
Dans ce contexte explosif, le ministre français a rappelé que des mesures avaient déjà été prises en début d’année pour limiter la circulation de certains dignitaires algériens sur le territoire français. « Elles ont été vivement ressenties par les personnes concernées », a-t-il souligné, avant d’ajouter : « Je ne m’interdis pas d’en prendre d’autres. Je ne dirai pas forcément quand je les prendrai, quand je ne les prendrai pas. Ainsi fonctionne la diplomatie. »
L’escalade entre la France et l’Algérie n’est pas un fait isolé mais s’inscrit dans un contexte de détérioration continue des liens bilatéraux. En juillet 2024, l’Algérie avait déjà rappelé son ambassadeur en signe de protestation contre le soutien affiché par Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain sur le Sahara Occidental. Puis, en novembre, l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à Alger avait suscité un tollé en France. D’autres incidents ont jalonné les mois suivants, notamment l’interpellation en France d’influenceurs algériens accusés de propager des contenus violents, ainsi que l’arrestation à Paris de trois hommes, dont l’un travaillait pour un consulat d’Algérie en France.
Malgré une tentative de détente en mars, matérialisée par un appel entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, les espoirs de normalisation semblent avoir été rapidement douchés. La France, qui affirme chercher la voie du dialogue, se trouve aujourd’hui confrontée à une Algérie de plus en plus ferme, voire intransigeante, sur la scène diplomatique. Cette série d’expulsions vient ainsi confirmer une tendance de fond : la France et l’Algérie n’ont pas réussi à reconstruire une relation stable, malgré des intérêts mutuels et un passé commun chargé.