Le débat autour du changement de la monnaie en Algérie revient une nouvelle fois dans l’enceinte de l’Assemblée populaire nationale, relancé lors de la session consacrée à la régularisation du budget de l’année 2022. La question, sensible et stratégique à plus d’un titre, s’inscrit dans une volonté manifeste de plusieurs députés de faire face aux défis économiques posés par la masse monétaire circulant hors des circuits officiels. L’Algérie, confrontée à une économie duale où le secteur informel conserve une emprise notable, se retrouve contrainte d’explorer des solutions radicales. Parmi elles, le changement de la monnaie figure désormais comme une option sérieusement envisagée.
C’est le député Abdelkader Aziz qui a ouvertement posé la question au ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred. S’adressant directement à lui au sein de l’hémicycle, il a interrogé sur la présence effective, ou non, d’une proposition concrète de changement de la monnaie nationale sur la table des discussions. L’objectif avancé serait d’attirer les fonds circulant en dehors des institutions bancaires officielles dans l’économie réelle de l’Algérie. Cette proposition, selon le député, a déjà été formulée par d’autres parlementaires au cours de précédentes législatures et bénéficie même du soutien de certains experts en finance.
Le contexte économique actuel en Algérie, marqué par une dépréciation continue de la monnaie locale, donne à cette suggestion un écho particulier. D’autres députés, comme Wahid El Sayed Cheikh, ont mis en lumière les risques systémiques induits par le marché parallèle des devises. Ce dernier a averti que la persistance de ce marché en Algérie pourrait rapidement se transformer en une question de sécurité nationale. Selon lui, de nombreux trafiquants, notamment ceux opérant dans le secteur de la drogue, s’approvisionnent en devises à travers ces circuits informels pour financer leurs opérations à l’étranger.
Les discussions ont également porté sur des préoccupations plus pratiques, telles que le sort de la prime de voyage de 750 euros, que le gouvernement s’était engagé à verser après la fête de l’Aïd el-Fitr. Cette prime, annoncée mais toujours non versée, suscite de nombreuses interrogations parmi les députés et les citoyens. Un autre parlementaire a attiré l’attention sur la problématique de la coexistence de billets de banque de mêmes valeurs faciales, comme ceux de 500 et 1.000 dinars, accentuant la confusion dans les échanges et la circulation monétaire en Algérie.
Dans la continuité des échanges parlementaires, les élus du Mouvement de la Société pour la Paix ont remis sur la table la question de la réforme du système de subventions sociales. En Algérie, cette réforme est attendue depuis plusieurs années et vise à mieux cibler les bénéficiaires effectifs. Les députés ont également soulevé la question de la mise en œuvre de l’article 188 de la loi de finances 2022, toujours en attente d’application.
En parallèle, de nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité d’accélérer la numérisation des services douaniers, fiscaux et liés à la gestion du patrimoine public. Certains ont même proposé la révision des cadres juridiques de ces secteurs afin de mieux motiver les agents et améliorer l’efficacité administrative. Le député Lahcen Hani, quant à lui, a plaidé pour un nouveau recensement du foncier afin de corriger les lacunes de l’actuel système de cadastre.
Les voix les plus expérimentées en matière financière ont mis en lumière les faiblesses structurelles de la fiscalité en Algérie. Seddik Bakhouche, ancien président de la commission des finances, a alerté sur la baisse des recettes issues de l’impôt direct par rapport à celles générées par les taxes sur les transactions économiques. Selon lui, une réforme globale est indispensable pour redresser la fiscalité et améliorer l’inclusion financière dans l’économie de l’Algérie.
Enfin, la question des exonérations fiscales a été soulevée, certains députés appelant à leur révision pour les secteurs dont la performance est jugée insuffisante. Des propositions ont également été faites pour imposer un plafond aux dépenses publiques, en cohérence avec les recettes de l’État, afin de préserver la stabilité macroéconomique de l’Algérie. D’autres ont insisté sur l’importance du respect des nouvelles dispositions liées au calendrier budgétaire, en particulier le passage au système N-1 imposé dès l’année prochaine par la loi organique relative aux lois de finances.
À travers ces débats, l’idée d’un changement de la monnaie en Algérie semble désormais s’installer progressivement comme une piste sérieuse, au cœur des discussions budgétaires et économiques du pays.