Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a récemment envoyé un message sans équivoque à son collègue du gouvernement, Bruno Retailleau, en choisissant les ondes de RTL pour mettre en garde contre une utilisation politicienne des tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie. Dans un contexte électoral tendu où Retailleau est engagé dans la course à la présidence du parti Les Républicains, les propos de Barrot sonnent comme un avertissement clair et ciblé. Il souligne que la relation France–Algérie ne doit pas devenir un terrain de jeu électoral, rappelant que chaque prise de position publique peut avoir des répercussions concrètes sur les millions de Franco-Algériens et sur l’équilibre diplomatique déjà fragile entre les deux pays.
« Nous avons intérêt (…) à ne pas faire de l’Algérie un sujet de politique intérieure. Lorsque nous le faisons, nous prenons le risque de causer du tort à nos compatriotes franco-algériens, et c’est lorsque la relation est à peu près équilibrée que l’on obtient des résultats », a-t-il affirmé avec fermeté. Ce propos vise directement Bruno Retailleau, dont les discours de fermeté sur l’immigration et la coopération avec l’Algérie ont souvent été perçus comme des provocations, notamment par Alger. Retailleau, depuis sa prise de fonctions au ministère de l’Intérieur, a multiplié les déclarations ciblant la politique migratoire liée à l’Algérie, inscrivant cette posture dans une logique de bras de fer diplomatique. Jean-Noël Barrot, sans jamais nommer Retailleau, choisit cependant un moment symbolique et une formulation précise pour adresser sa critique.
En effet, Bruno Retailleau est régulièrement accusé d’exploiter les tensions avec l’Algérie comme levier politique, ce que dénonce indirectement Jean-Noël Barrot. Dans cette stratégie, Retailleau met l’Algérie au cœur du débat sur l’immigration, créant un lien entre durcissement des contrôles et détérioration des relations diplomatiques. Mais ce positionnement, loin de faciliter les négociations ou les partenariats bilatéraux, a contribué à geler les échanges. Selon Barrot, la situation actuelle est « bloquée », un terme fort qui reflète la paralysie diplomatique entre Paris et Alger. Cette crise a été aggravée par l’arrestation d’un agent consulaire algérien par les autorités françaises, un acte qui a entraîné une série de représailles diplomatiques : l’expulsion de 12 agents du ministère français de l’Intérieur basés en Algérie, suivie de la réciprocité immédiate d’Alger, qui a chassé 12 agents algériens de France.
Cette escalade a conduit à un rappel de l’ambassadeur français à Alger, Stéphane Romatet, marquant un nouveau point bas dans les relations bilatérales. Une situation préoccupante, d’autant plus que Jean-Noël Barrot avait lui-même été envoyé à Alger le 31 mars pour tenter de mettre fin à la brouille diplomatique. Lors de cette visite, il avait annoncé des mesures concrètes pour relancer les relations, mais la crise déclenchée par l’arrestation du diplomate a anéanti ces efforts.
Dans ce contexte déjà tendu, Retailleau, loin d’apaiser les tensions, continue de faire de l’Algérie un enjeu de politique nationale. C’est justement cette instrumentalisation que Jean-Noël Barrot dénonce en filigrane dans son intervention. Les propos du chef de la diplomatie ne se contentent pas de rappeler les principes de neutralité diplomatique, ils mettent aussi en lumière le danger que représente une rhétorique politicienne dans un climat bilatéral aussi instable. Retailleau est ainsi visé trois fois dans les mêmes phrases où l’Algérie est également mentionnée, illustrant l’enchevêtrement entre la ligne politique de Retailleau et la situation diplomatique avec l’Algérie.
La France ne peut se permettre une politique étrangère dictée par les échéances internes d’un parti politique, surtout lorsque l’Algérie est en jeu, car les conséquences sont immédiates et touchent aussi bien les ressortissants que les intérêts stratégiques. Le message de Jean-Noël Barrot, bien que diplomatiquement formulé, reste une mise en garde directe : faire de l’Algérie un argument de campagne revient à compromettre la stabilité des relations avec un partenaire incontournable, et Bruno Retailleau doit en assumer les risques.