Algérie : le marché noir des devises va disparaitre ?

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Le marché noir des devises en Algérie fait actuellement l’objet de vives discussions, surtout à l’approche de janvier 2025, moment où plusieurs mesures gouvernementales entreront en vigueur. Parmi elles, l’augmentation significative de l’allocation touristique, qui passera de 100 à 750 euros par an pour les adultes, et l’ouverture attendue de bureaux de change officiels. Ces initiatives visent, selon les autorités, à contrer l’emprise du marché informel des devises. Mais cette approche est-elle réellement susceptible de le faire disparaître ?

Pour l’économiste Brahim Guendouzi, la réponse est claire : non. Dans un entretien accordé à TSA cet enseignant en économie à l’université de Tizi-Ouzou estime que les fluctuations actuelles sur le marché informel des devises, notamment la baisse récente des cours de l’euro et du dollar face au dinar algérien, sont temporaires. « La baisse actuelle des cours sur le marché informel des devises, dont le fonctionnement reste spécifique, ne peut être que passagère, comme cela arrive couramment sur la plupart des marchés des changes, lorsqu’il y a conjugaison de plusieurs paramètres entraînant soit une tendance baissière, ou l’inverse, une tendance haussière », explique-t-il.

Cette baisse des taux de change sur le marché noir des devises, observée depuis la deuxième semaine du mois de septembre, repose sur trois facteurs principaux, selon l’expert.

Le premier facteur est lié à l’engagement accru de l’Algérie dans la lutte contre la fuite des capitaux et le blanchiment d’argent. Cet engagement, pris notamment dans le cadre du Groupe d’Action Financière (GAFI), aurait des répercussions directes sur les réseaux informels. Brahim Guendouzi souligne que « la récente recommandation faite par le GAFI à renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux peut être considérée comme un signal de prudence de la part de ceux qui opèrent justement dans les réseaux informels ». Ce contexte s’inscrit dans une démarche globale, amplifiée par l’ajout de l’Algérie à la liste grise des juridictions sous surveillance renforcée, une décision prise par le GAFI le 25 octobre.

Le deuxième facteur tient aux modifications réglementaires introduites en octobre 2024. Le nouveau règlement n°24-05 fixe un seuil maximum de 7500 euros pour l’exportation annuelle de devises en cash par les résidents et non-résidents. Pour Brahim Guendouzi, cette mesure « va certainement influer sur le niveau de la demande de monnaies étrangères sur le marché informel et donc sur les cours de change ».

Enfin, la troisième raison majeure réside dans l’augmentation de l’allocation touristique. Dès 2025, cette allocation passera de l’équivalent de 15 000 dinars (environ 100 euros) à 750 euros pour les adultes et 300 euros pour les mineurs. Cette valorisation pourrait amener une partie des Algériens à différer leurs achats de devises sur le marché noir. « Les nationaux, en grand nombre, qui sollicitent le change informel pour voyager, préfèrent attendre l’entrée en application de la nouvelle allocation touristique avant de décider de quel montant acheter dans l’informel », observe l’économiste.

Toutefois, Brahim Guendouzi insiste sur le fait que les acteurs du marché noir agissent de manière rationnelle, cherchant à maximiser leurs profits. « Les offreurs de devises sur le marché informel adoptent des comportements des plus rationnels puisqu’ils exigent, en termes de prix, des taux de change rémunérateurs pour pouvoir se départir des devises qu’ils détiennent », analyse-t-il. Cependant, l’écart important entre les taux officiels et ceux pratiqués dans l’informel continue de stimuler l’approvisionnement de ce dernier.

Ces évolutions, bien que significatives, ne semblent donc pas suffisantes pour ébranler durablement le marché noir des devises, qui reste profondément ancré dans l’économie algérienne. Si les mesures annoncées par le gouvernement peuvent ponctuellement influer sur les cours, elles ne suffisent pas, selon les experts, à éradiquer un système soutenu par des facteurs structurels complexes. Les efforts engagés, notamment en matière de réglementation et de lutte contre les pratiques illicites, devront s’accompagner d’une véritable réforme du marché des changes pour espérer réduire l’influence du marché informel à long terme.

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