En Algérie, le marché parallèle des devises est au cœur de l’actualité économique et suscite une attention croissante. Depuis des années, ce circuit non officiel s’est imposé comme une réponse à l’insuffisance de l’offre bancaire en devises, mais il devient désormais l’objet d’une proposition radicale. Chabane Assad, fondateur de FINABI, suggère ouvertement de le criminaliser, dénonçant ses dérives dans un post publié sur LinkedIn.
Dans son analyse, il commence par une image frappante : « Cinq millions d’euros en coupures de 50 euros nécessitent cinq valises de 20 kilos pour être stockés. Son équivalent (1,3 milliard de dinars) en coupure de 2 000 dinars nécessite 1300 valises de 20 kilos pour être stockés. » Ce contraste logistique illustre la facilité avec laquelle les devises étrangères peuvent être dissimulées par rapport au dinar, et pose la question de leur rôle comme valeur refuge dans une économie en tension.
Pour Assad, les causes de la montée des taux sur le marché parallèle en Algérie se répartissent en deux grandes familles. D’une part, il pointe des besoins justifiés : déplacements à l’étranger pour des raisons touristiques, religieuses, médicales ou académiques, ainsi que l’achat de véhicules. Il appelle à une réaction concrète : « Nous estimons qu’il est impératif que la Banque d’Algérie tienne ses engagements de l’année dernière d’augmenter l’allocation touristique et d’élargir son offre de devises aux besoins sanitaires et universitaires. » Malgré les incertitudes liées au prix du pétrole et leurs conséquences sur la balance des paiements, il insiste sur la nécessité de respecter les décisions politiques annoncées. Il rappelle que « nos réserves sont estimées à 65 milliards de dollars », ce qui, selon lui, justifie une plus grande souplesse.
Dans cette logique, il propose d’intégrer les besoins d’importation de véhicules à l’offre officielle de devises, en s’appuyant sur les capacités du secteur public : « Le secteur public économique à l’instar du Groupe AGM spécialisé dans la mécanique peut encadrer cette importation à l’instar de ce qui a été fait sur le processus d’importation des moutons dernièrement. » Il suggère un budget annuel de trois milliards de dollars pour répondre à la demande actuelle, et cite l’exemple de l’Égypte, qui malgré des réserves plus modestes et une dette extérieure massive, a su répondre à la demande interne en important pour plus de 2,8 milliards de dollars de véhicules en 2024.
D’autre part, il dénonce les pratiques illicites alimentant le marché parallèle en Algérie. Il évoque les flux issus de la drogue, de la corruption et de l’économie informelle qui, ne pouvant plus se diriger vers l’immobilier en raison de récentes mesures fiscales, se réfugient dans la devise : « Cette volonté de contrôle de l’État a créé une panique et le dernier refuge des barons de cette sphère noire ou grise est la devise car facile à stocker. » Il met en avant le risque de spéculation excessive et de déstabilisation financière alimentée par ces mouvements opaques.
Pour Assad, il ne s’agit pas seulement de dénoncer mais d’agir. Il affirme qu’il est « clair qu’il faut criminaliser le marché parallèle », tout en insistant sur la responsabilité des autorités monétaires à garantir un accès équitable et suffisant à la devise par les voies officielles. Selon lui, seule une réponse globale – combinant répression ciblée et réforme structurelle – permettra de désamorcer cette bombe à retardement économique.
La situation actuelle montre que le marché parallèle en Algérie n’est plus seulement un symptôme de dysfonctionnements économiques, mais un acteur influent qui fausse les règles. Dans ce contexte, la proposition de Chabane Assad prend une dimension stratégique. La question n’est plus de savoir si ce circuit doit être régulé, mais comment articuler répression et alternative légale pour préserver l’équilibre monétaire tout en répondant aux besoins légitimes des citoyens.