Les relations économiques entre la France et l’Algérie traversent une zone de turbulences qui ne laisse personne indifférent, en particulier les entreprises françaises implantées de longue date sur le sol algérien. Ces dernières, regroupées sous la bannière de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), affichent leur inquiétude face au climat diplomatique de plus en plus tendu entre Paris et Alger. Dans un communiqué, le président de la CCIAF, Michel Bisac, a exprimé sans détour la vive inquiétude du réseau qu’il dirige. Il regrette notamment que la politique ait pris le pas sur l’économie, affectant lourdement la collaboration entre les deux pays, particulièrement dans le domaine des investissements et du développement d’entreprises françaises en Algérie. La Chambre va jusqu’à dénoncer « une escalade relevant de la politique politicienne » qui pénalise à la fois les investisseurs français et les partenaires économiques algériens.
Cette montée de tension intervient pourtant peu de temps après un apparent réchauffement des relations, matérialisé par des échanges qualifiés de « constructifs » entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, suivis d’une visite du ministre français Jean Noël Barrot en Algérie. Mais cette dynamique a été brutalement interrompue par un événement diplomatique inattendu : l’arrestation d’un agent consulaire algérien sur le sol français, qui a rapidement envenimé les rapports entre les deux capitales, entraînant des mesures de rétorsion mutuelles. Dans ce contexte, la CCIAF plaide pour que les relations économiques soient sanctuarisées, à l’abri des remous politiques, et appelle à une mobilisation de l’ensemble des acteurs économiques pour préserver les acquis des deux côtés de la Méditerranée.
Dans son communiqué, l’organisation économique va plus loin en réaffirmant son soutien au Conseil du renouveau économique algérien (CREA), un organisme influent en Algérie qui milite pour des partenariats équilibrés et respectueux. Ce soutien prend une dimension toute particulière dans la mesure où le CREA a récemment annoncé l’annulation d’une rencontre prévue avec le Medef au printemps prochain en France, un signal fort de mécontentement face au climat diplomatique actuel. La CCIAF, elle, choisit de temporiser, estimant que l’économie doit rester un terrain de coopération et non de discorde. Elle rappelle que de nombreux emplois, aussi bien en Algérie qu’en France, dépendent de ces relations commerciales, et que rompre les liens économiques risquerait de fragiliser des centaines d’entreprises, notamment dans les secteurs de l’industrie, des services et de la distribution.
Dans cet esprit, la Chambre appelle les entreprises françaises présentes en Algérie, et potentiellement impactées par la dégradation du climat diplomatique, à prendre contact avec ses services. L’objectif est de recenser les difficultés rencontrées et d’organiser une réponse coordonnée pour éviter une perte de confiance trop marquée dans les partenariats existants. Michel Bisac insiste sur le fait que cette démarche vise à consolider les relations à long terme, dans l’intérêt mutuel des deux nations. Il invite aussi la diaspora économique franco-algérienne à jouer un rôle de trait d’union, en s’engageant activement pour éviter que les tensions politiques ne viennent éroder les fondations économiques patiemment construites depuis des décennies.
Mercredi dernier, dans une déclaration à *L’Algérie Aujourd’hui*, Michel Bisac a évoqué une forme de consternation face à la situation. Après avoir salué les efforts récents de rapprochement, il s’est dit profondément affecté par le retour à un climat tendu. Selon lui, la relance économique tant espérée semble à nouveau suspendue à des décisions politiques difficiles à anticiper. Il n’exclut pas que certains événements récents aient été orchestrés pour perturber cette dynamique. L’arrestation de l’agent consulaire, considérée comme un acte diplomatiquement agressif, aurait pu, selon ses mots, être évitée, ou du moins gérée différemment.
« Il est difficile d’y voir une simple coïncidence », a déclaré Michel Bisac, en référence à la chronologie des faits survenus après la visite du ministre Jean Noël Barrot. « Lorsqu’une affaire judiciaire en suspens depuis des mois ressurgit brusquement, avec une arrestation spectaculaire… j’ai du mal à croire au hasard », a-t-il souligné, laissant entendre qu’une part d’ombre subsiste autour des motivations réelles de cette affaire. Pour lui, les chefs d’entreprise ne peuvent être les otages de calculs diplomatiques, d’autant plus lorsque ces calculs compromettent des années de coopération économique et menacent la stabilité des projets en cours.
À l’heure où le monde économique appelle à l’apaisement, les regards se tournent vers les dirigeants des deux pays, dans l’attente de signaux forts capables de restaurer un climat de confiance propice à la reprise des affaires.
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