Algérie : l’historien français Benjamin Stora fait une demande spéciale à Macron

Polémique rapport Benajmin Stora

Dans un entretien accordé au quotidien algérien El Moudjahid, l’historien français Benjamin Stora a exprimé son analyse de la situation actuelle des relations franco-algériennes et a formulé des propositions pour améliorer les liens entre les deux pays. Cette intervention intervient après la récente visite de Jean-Noël Barrot à Alger, qui a marqué un tournant dans la diplomatie franco-algérienne, notamment en matière de réconciliation et de dialogue. Benjamin Stora, spécialiste reconnu des questions mémorielles liées à la colonisation, a détaillé son point de vue sur plusieurs dossiers cruciaux qui pèsent sur la relation entre la France et l’Algérie.

Pour Stora, la reprise du dialogue diplomatique entre l’Algérie et la France est une étape positive. Il a salué la décision des deux pays de privilégier la négociation plutôt que d’entrer dans un conflit de déclarations acerbes. Il a expliqué : « On ne peut que se féliciter du fait que la raison l’emporte sur les déclarations qui ne proposent que les ‘bras de fer’ et les ‘ultimatums’. Il faut espérer que l’on poursuive sur le chemin de la discussion franche et équilibrée entre les deux pays. » Cette déclaration met en lumière la volonté de l’historien de voir les relations entre les deux nations évoluer vers un cadre plus apaisé et constructif, après des années de tensions.

La question mémorielle, et plus particulièrement la reconnaissance des crimes coloniaux, demeure l’un des points les plus sensibles dans les relations entre la France et l’Algérie. À ce sujet, Stora a exprimé son intention de suggérer au Président français Emmanuel Macron une série de mesures symboliques et réparatrices. Il a notamment évoqué la restitution d’objets symboliques de l’histoire coloniale, tels que le Coran et l’épée de commandement de l’émir Abdelkader, ainsi que la clé de la ville de Laghouat. « Ce que je peux suggérer, c’est surtout la restitution d’objets appartenant à l’émir Abdelkader, comme son Coran ou son épée de commandement, ou encore la clé de la ville de Laghouat », a-t-il déclaré. Cette demande s’inscrit dans une démarche plus large de reconnaissance des injustices du passé.

L’historien n’a pas manqué d’évoquer la nécessité d’aborder la question des crimes de guerre commis durant les premières phases de la colonisation, au XIXe siècle, avec des événements tragiques tels que les enfumades du Dahra. « La reconnaissance de crimes de guerre commis au temps de la pénétration coloniale au XIXe siècle, comme les enfumades du Dahra », a souligné Stora, en rappelant que de nombreux actes de répression, massacres et expropriations ont marqué cette période de l’histoire algérienne. Il est donc impératif pour lui de « reconnaître les répressions, massacres et dépossessions foncières au XIXe siècle », afin de favoriser une réconciliation authentique entre les deux nations.

Lire également : France : 6000 euros offerts aux Algériens pour un retour définitif en Algérie ?

Un autre dossier important abordé par Stora est celui des archives coloniales. Bien que plusieurs millions de documents aient déjà été numérisés et mis à disposition, il reste encore un long chemin à parcourir. « Nous en discuterons dans la commission mixte des historiens », a-t-il ajouté, soulignant l’importance de continuer à ouvrir ces archives pour permettre une meilleure compréhension de l’histoire coloniale par les générations actuelles et futures.

Lire également : France : les auto-entrepreneurs algériens face à une nouvelle dépense obligatoire

Enfin, l’historien a abordé la question de l’extrême droite en France et de son influence sur la perception de la colonisation. Il a souligné la difficulté de maintenir une relation équilibrée face à des voix qui continuent de glorifier la « colonisation heureuse », un mythe largement propagé par certains milieux politiques et médiatiques. « C’est une bataille difficile, incessante, pour maintenir une relation équilibrée, car l’extrême droite, qui se nourrit en grande partie d’une mémoire de revanche de l’Algérie française perdue, est aujourd’hui très présente dans les médias », a-t-il précisé. Pour Stora, il est essentiel de déconstruire ces récits faussement idéalisés et de fournir une vision plus fidèle et plus objective de la colonisation.

Lire également : Aéroport d’Alger : « la douceur employée » rend stupéfait un Français

Ainsi, Benjamin Stora a clairement indiqué que le chemin vers une réconciliation véritable entre la France et l’Algérie passe par une reconnaissance sincère des injustices passées et une volonté d’avancer ensemble dans un esprit de dialogue et de réciprocité. Alors que les relations bilatérales sont marquées par des tensions et des enjeux complexes, les propositions de Stora offrent un cadre potentiel pour apaiser les mémoires et forger un avenir plus harmonieux entre les deux nations.