En mai dernier, le projet d’une start-up baptisée Nroho, porté par des étudiants algériens de l’École nationale supérieure d’intelligence artificielle, a décroché la deuxième place lors d’un concours organisé par le Groupe de la Banque islamique de développement d’Arabie saoudite, en marge de ses assemblées annuelles tenues en Algérie. Ce classement a constitué une première reconnaissance internationale pour cette initiative, née dans un contexte académique mais pensée pour répondre à un besoin très concret de la société algérienne : rendre les déplacements collectifs plus accessibles, plus fiables et moins coûteux grâce aux technologies numériques et à l’intelligence artificielle.
Cette semaine, l’équipe derrière Nroho a annoncé, via ses réseaux sociaux, l’ouverture des inscriptions pour rejoindre la liste des premiers utilisateurs de son service innovant, en attendant le lancement officiel de son application mobile. L’objectif affiché par ses fondateurs est clair : proposer une solution de transport collectif capable d’apporter plus de sécurité, plus de connectivité et une réduction sensible des coûts pour tous les usagers. Ce projet, conçu pour faciliter la vie quotidienne des voyageurs algériens, repose sur une idée simple mais ambitieuse : utiliser la puissance des algorithmes pour rapprocher les personnes ayant des besoins similaires et transformer le transport en une expérience partagée, personnalisée et sécurisée.
Tous les membres de l’équipe sont encore étudiants à l’École nationale supérieure d’intelligence artificielle, ce qui constitue un atout considérable pour la mise en place de Nroho. Leur formation couvre des domaines aussi variés que la gestion de projet, la communication, le marketing et l’innovation, autant de compétences nécessaires pour transformer une idée en start-up opérationnelle. En parallèle, ils appartiennent à un club scientifique interne à l’école qui prépare les étudiants à interagir avec des investisseurs et à présenter leurs projets de manière professionnelle. Ces compétences sont essentielles pour attirer les financements nécessaires à la concrétisation d’un projet aussi ambitieux que Nroho.
À la tête de cette initiative, on retrouve Younes Ahmane, fondateur du projet, un jeune étudiant de 22 ans originaire de Béjaïa. Depuis son enfance, Younes s’est distingué par son sérieux et ses excellents résultats scolaires. Son ambition, nourrie dès l’école primaire, était de réaliser “de grandes choses”. Après un baccalauréat brillamment réussi avec une moyenne pondérée supérieure à 17, il s’oriente vers l’intelligence artificielle, malgré les attentes de son entourage qui le voyaient plutôt choisir la médecine. « Je n’aimais pas la mémorisation, je préférais trouver des solutions techniques aux problèmes de la vie », confie-t-il. Convaincu que l’IA représente l’avenir dans tous les domaines, il a pris cette décision avec le soutien de ses parents, qui ont toujours eu confiance en sa capacité de discernement.
Dès sa deuxième année d’études, Younes s’est associé avec cinq camarades pour développer l’application Nroho, conçue pour permettre aux utilisateurs de partager un trajet avec d’autres personnes ayant les mêmes préférences et les mêmes besoins, dans des véhicules privés. L’application s’appuie sur l’intelligence artificielle pour analyser les goûts des passagers et améliorer leur expérience de voyage. Ainsi, des voyageurs peuvent être regroupés selon leurs affinités musicales, qu’il s’agisse de chaâbi, de musique occidentale ou du choix du silence, afin de créer une ambiance harmonieuse et agréable durant le trajet.
La sécurité constitue un pilier central du projet. Chaque utilisateur, y compris les chauffeurs, devra fournir une copie de sa carte d’identité au moment de l’inscription, ce qui permet de vérifier toutes les identités et de rassurer les passagers. En parallèle, un système de géolocalisation en temps réel permet de suivre en permanence les véhicules. Si un arrêt inhabituel et prolongé est détecté, l’application envoie automatiquement une alerte aux passagers afin de comprendre rapidement la nature de la situation, qu’il s’agisse d’un simple embouteillage ou d’un problème plus sérieux.
La reconnaissance de Nroho comme projet innovant a été facilitée par le soutien institutionnel. L’école a mis à disposition un espace de travail ainsi que les moyens matériels nécessaires pour le développement de l’application. « J’ai constaté les difficultés liées à l’usage des applications de transport actuelles, notamment leurs tarifs élevés par rapport au transport collectif », explique Younes. Sa vision repose sur une coopération communautaire où chacun contribue à rendre les trajets plus sûrs, plus confortables et surtout plus abordables.
Avant de lancer le projet, l’équipe a mené une étude de marché auprès de centaines de personnes afin de tester l’idée et de recueillir des avis. Les retours ont été très encourageants, certains allant jusqu’à qualifier l’initiative de “purement algérienne” en raison de son esprit pratique et convivial. Younes cite par exemple l’anecdote d’un chauffeur qui pourrait demander à un passager de rapporter un café en chemin, si le trajet est long et qu’il lui est difficile de s’arrêter. Cette dimension humaine et culturelle distingue Nroho des autres solutions de transport.
Avec son slogan plein d’humour, “Tous les problèmes de transport… Nroho !”, l’équipe porte une vision ambitieuse : lancer le projet avec succès en Algérie puis s’étendre, dans un délai de cinq ans, aux marchés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Pour Younes et ses coéquipiers, ce n’est que le début d’une aventure qui pourrait transformer en profondeur la manière dont les Algériens, et peut-être demain d’autres populations de la région, conçoivent le transport collectif.