Au fil des ans, l’Algérie a vu un bouleversement majeur dans son paysage éducatif, avec une tendance qui ne cesse de se confirmer : les filles réussissent mieux que les garçons. Ce phénomène, observé dès les bancs de l’école, se prolonge jusqu’aux études supérieures, où elles sont largement majoritaires. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 67 % des étudiants à l’université sont des filles, un pourcentage encore plus impressionnant en post-graduation. Mais qu’est-ce qui explique cette domination féminine dans le monde académique ? Le média El Watan a réalisé une enquête pour apporter des élèments de réponse à cette épineuse question.
Plusieurs facteurs entrent en jeu. Tout d’abord, les filles semblent mieux s’adapter aux exigences du parcours scolaire. Elles sont généralement plus disciplinées, plus persévérantes et mieux organisées. Cette capacité à s’accrocher aux études leur permet de limiter les échecs et d’obtenir des diplômes dans des proportions bien plus élevées que les garçons. « Je me retrouve, témoigne Nabila Hamedi Siad, enseignante à la faculté de biologie de l’Université de Tizi Ouzou, avec un seul garçon ou aucun parfois dans les différentes promotions de la spécialité écologie et environnement. »
Une autre explication souvent avancée est d’ordre sociologique. Les filles, en quête d’autonomie et d’indépendance financière, voient dans l’éducation un véritable passeport pour l’émancipation. Contrairement aux garçons qui peuvent être tentés d’entrer tôt sur le marché du travail, souvent dans l’informel, les jeunes filles investissent davantage dans leurs études. « L’école est pour nous une chance d’avoir une place dans la société », confie une étudiante en sociologie à Alger 3. Dans un pays où les opportunités professionnelles restent limitées, notamment pour les femmes, posséder un diplôme représente bien plus qu’un simple bagage académique : c’est un levier pour s’affirmer et exister dans l’espace public.
Par ailleurs, cette tendance à la réussite scolaire féminine est encore plus marquée dans les régions du sud du pays. Contrairement aux idées reçues, des wilayas comme Tindouf, Ouargla et Beni Abbès enregistrent des taux de scolarisation féminine particulièrement élevés. Les statistiques de l’ONS confirment que les filles y poursuivent leurs études avec plus de constance que les garçons, qui décrochent plus tôt. Au secondaire, elles représentent 58 % des effectifs scolaires et dans certaines régions, ce taux grimpe jusqu’à 62 %.
Mais si les filles excellent à l’école en Algérie, leur présence sur le marché du travail reste encore en deçà des attentes. En 2019, les femmes ne représentaient que 20,1 % de la population active, un chiffre qui illustre la difficulté du passage du monde académique au monde professionnel. De nombreux obstacles subsistent, notamment des freins culturels et des contraintes sociales qui continuent de limiter l’accès des femmes à certains secteurs d’activité.
Ce contraste entre réussite scolaire et insertion professionnelle pousse les sociologues à s’interroger sur le rôle du diplôme dans la construction identitaire des femmes algériennes. « Un statut, c’est ce que confère le diplôme universitaire aux jeunes filles, même en l’absence d’un emploi », explique la sociologue Fatima Oussedik. Cette dimension symbolique est essentielle : être diplômée, c’est affirmer son existence en tant qu’individu autonome, c’est éviter de retomber dans le modèle traditionnel de la femme au foyer sous le contrôle familial.
Les chercheurs s’accordent également à dire que les mutations sociales observées ces dernières décennies jouent un rôle clé dans ce phénomène. L’urbanisation croissante et l’ouverture des espaces d’éducation aux filles ont permis de redéfinir les aspirations féminines. Dans les milieux ruraux, où le poids des traditions reste plus marqué, les filles perçoivent les études comme une opportunité unique d’échapper aux contraintes imposées par leur environnement. « Les filles se battent pour réussir en Algérie, car elles savent que c’est leur meilleure chance d’échapper à la précarité », confie Samir Rebiaï, chercheur en anthropologie au Crasc, à El Watan.
En revanche, chez les garçons, la situation est bien différente. Nombre d’entre eux quittent l’école prématurément, convaincus que le diplôme n’est pas un gage de réussite professionnelle. La pression sociale qui pèse sur eux les pousse souvent à chercher des alternatives plus immédiates pour subvenir à leurs besoins. Certains choisissent le commerce, d’autres optent pour des formations professionnelles ou s’orientent vers l’armée. « La majorité des jeunes garçons que nous avons interrogés estiment que poursuivre des études ne garantit plus un emploi stable », indique une étude menée par l’Institut national de recherche en éducation (INRE).
Ce clivage entre filles et garçons dans le domaine éducatif révèle ainsi une transformation profonde de la société en Algérie. Longtemps cantonnées à des rôles subalternes, les femmes s’imposent désormais comme des actrices majeures du changement. Leurs succès académiques témoignent d’une volonté farouche d’émancipation, même si les défis liés à l’insertion professionnelle restent nombreux. Il ne fait aucun doute que dans les années à venir, cette tendance influencera en profondeur les dynamiques familiales et économiques du pays. L’éducation féminine, loin d’être une simple réussite individuelle, devient ainsi un véritable moteur de transformation sociale.
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