L’Algérie a été secouée par une affaire pour le moins inhabituelle impliquant une infirmière de l’hôpital Salim Zemirli, à El Harrach, dont la vidéo tournée dans une salle mortuaire a provoqué une vague d’indignation sans précédent. Cette affaire, devenue virale sur les réseaux sociaux, s’est conclue par une condamnation judiciaire : le tribunal de El Harrach a rendu son verdict ce dimanche, infligeant à l’infirmière trois mois de prison avec sursis, une amende de 20 000 dinars, ainsi qu’une indemnisation de 100 000 dinars à l’hôpital Salim Zemirli, en plus d’un dinar symbolique au Trésor public. Cette décision met un terme provisoire à un scandale qui a relancé le débat en Algérie sur les limites éthiques et morales dans le milieu hospitalier.
Tout est parti d’une vidéo partagée sur TikTok, dans laquelle une jeune infirmière algérienne apparaissait en train de préparer le corps d’un défunt avant son transfert vers la morgue. Les images, filmées sans autorisation, ont rapidement circulé sur les réseaux, provoquant une onde de choc en Algérie. Le défunt, hospitalisé depuis un mois en soins intensifs, était un patient dont elle assurait le suivi médical. Selon la prévenue, son intention n’était pas de choquer : elle voulait transmettre un message de sensibilisation sur la fragilité de la vie et le destin commun des êtres humains.
Mais cette explication n’a pas suffi à calmer la colère des internautes, ni celle du ministère de la Santé. Ce dernier a condamné dans un communiqué officiel un acte jugé « indigne et contraire aux valeurs humaines et religieuses ». Le ministère a rappelé que les infirmières et personnels médicaux en Algérie sont tenus au respect de la dignité des défunts, du secret professionnel et de la déontologie de leur métier. L’acte de l’infirmière a été qualifié d’atteinte à la réputation du secteur de la santé, un secteur déjà sensible aux yeux du public.
Âgée de 24 ans, l’infirmière a été suspendue dès la diffusion de la vidéo, avant d’être placée sous contrôle judiciaire et convoquée par le parquet de El Harrach. Poursuivie pour « atteinte à la dignité du défunt » en vertu du Code pénal algérien, elle a comparu devant le tribunal dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate. Durant son audition, elle a nié toute intention de nuire. Travaillant depuis quatre ans à l’hôpital Salim Zemirli, elle a affirmé avoir enregistré la séquence en janvier 2025, dans un contexte d’émotion intense après le décès du patient.
Selon son récit, le patient qu’elle soignait depuis plusieurs semaines avait quitté la salle de réanimation, prêt à rentrer chez lui, avant d’être victime d’un arrêt cardiaque soudain. L’infirmière a expliqué que ce moment tragique l’avait profondément marquée, surtout après avoir entendu le patient prononcer la chahada avant de décéder. Ébranlée par la scène, elle a voulu partager cette expérience sur TikTok à travers un message de foi et de méditation. Elle a assuré ne pas avoir cherché à offenser la mémoire du défunt ni à nuire à l’image de l’hôpital.
La situation a dégénéré lorsque des amis de l’infirmière ont repartagé la vidéo, entraînant une diffusion massive en Algérie. Très vite, la polémique a pris une ampleur nationale, entre condamnations publiques et débats sur les réseaux sociaux. Consciente de la gravité de son erreur, la jeune femme a publié un second message dans lequel elle tentait de s’expliquer, affirmant que sa démarche était « purement éducative et spirituelle ».
Lors du procès, la défense a insisté sur la bonne foi de l’infirmière. Son avocat a produit plusieurs témoignages écrits de collègues et de responsables de l’hôpital, soulignant sa rigueur, sa compassion et son professionnalisme irréprochable. Il a soutenu que la prévenue avait agi sans mauvaise intention, et qu’elle ignorait que son geste pouvait constituer une infraction. L’avocat a aussi rappelé que l’article 151 du Code pénal, relatif aux atteintes à la dignité du mort dans les cimetières, ne s’appliquait pas ici, le tournage ayant eu lieu dans un cadre hospitalier.
Le parquet, de son côté, a requis deux ans de prison ferme et une amende de 50 000 dinars, estimant que l’acte portait atteinte à la dignité humaine. Toutefois, le tribunal a choisi de prononcer une peine avec sursis, prenant en considération l’âge, le parcours et le comportement exemplaire de l’infirmière. La décision a été perçue comme un compromis entre la sanction nécessaire et la reconnaissance d’une erreur commise sans intention malveillante.
Du côté civil, l’hôpital Salim Zemirli s’est constitué partie civile et a obtenu gain de cause, tandis que le représentant du Trésor public a obtenu un dinar symbolique. Ce verdict vient clore une affaire qui aura marqué l’opinion publique en Algérie, soulevant des questions cruciales sur l’usage des réseaux sociaux dans le milieu médical, la responsabilité numérique des professionnels de santé et la protection de la dignité des patients après leur décès.