« L’Algérie va ignorer l’ultimatum fixé par la France » : un responsable algérien catégorique

Algériens France

L’ancien ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi a affirmé que l’Algérie est parfaitement en mesure de faire face aux pressions émanant de la France, rejetant fermement toute soumission aux menaces concernant la question migratoire. Lors d’une conférence-débat organisée au siège de l’Organisation nationale des enfants de chouhada à Alger, il a tenu à rappeler que l’Algérie, à travers son histoire récente, a su se prémunir contre les ingérences extérieures et s’est toujours attachée à préserver son indépendance diplomatique, lançant ainsi une pique à Retailleau.

Pour Rahabi, la position adoptée par le ministre de l’intérieur français, Bruno Retailleau, à l’égard de l’Algérie relève d’une approche totalement erronée. « Lancer un ultimatum à l’Algérie dénote une méconnaissance totale de notre diplomatie », a-t-il martelé. Il estime que cette méthode est davantage utilisée dans des relations de force entre nations en conflit, et non dans des échanges diplomatiques entre États souverains. Il a insisté sur le fait que l’Algérie ne plie pas sous la pression, quelles que soient les circonstances, et que la France ne détient aucun levier de coercition suffisant pour infléchir la position algérienne.

D’après lui, l’Algérie a su développer des mécanismes lui permettant de répondre à toute tentative d’intimidation. En ce sens, il a minimisé les menaces françaises concernant des mesures restrictives visant les diplomates et responsables algériens. Il s’est également félicité du fait que la France n’ait pas réussi à rallier les institutions européennes à sa démarche, soulignant que les intérêts économiques et stratégiques des autres États européens priment sur les querelles politiques.

S’agissant de la transmission par la France d’une liste de ressortissants algériens à expulser, Rahabi s’attend à ce que les autorités algériennes refusent d’obtempérer. Il a insisté sur le rôle des consulats algériens, affirmant qu’ils ne sont pas tenus d’accepter les injonctions de Paris. « Leur mission est de protéger nos ressortissants, pas d’obéir au ministre de l’Intérieur français », a-t-il déclaré. Il a ajouté que l’Algérie refusera catégoriquement d’accueillir toute personne ne disposant pas de documents d’identité algériens authentifiés, une ligne rouge qui n’a jamais été franchie par le passé.

Rahabi a également tenu à relativiser la gravité de la crise actuelle entre les deux pays. Selon lui, ce différend n’est en rien comparable aux tensions ayant marqué les relations franco-algériennes dans le passé, notamment lors de la nationalisation des hydrocarbures en 1971, qui avait entraîné un embargo français sur l’Algérie, ou encore dans les années 1980, lorsque Valéry Giscard d’Estaing avait ordonné l’expulsion de dizaines de milliers d’Algériens en situation régulière. Pour lui, la principale différence aujourd’hui réside dans la surmédiatisation de la crise, qui lui confère une ampleur artificielle.

Il a par ailleurs souligné que la droite française n’a jamais réellement modifié son approche vis-à-vis de l’Algérie. À ses yeux, cette frange de la classe politique française instrumentalise régulièrement la question migratoire pour des raisons purement électoralistes, dans l’objectif de séduire un certain électorat sensible aux discours identitaires. Il estime que cette stratégie se poursuivra jusqu’à l’élection présidentielle française, d’autant plus que l’actuel président de la République peine à imposer son autorité face à une opposition renforcée.

Concernant l’accord migratoire franco-algérien de 1968, Rahabi a exprimé son scepticisme quant à son utilité actuelle, estimant qu’il a perdu sa pertinence et qu’il ne profite plus véritablement aux Algériens. À ses yeux, une éventuelle abrogation de cet accord n’aurait pas d’impact significatif sur les Algériens vivant en France.

Dénonçant la gestion de la crise migratoire par la France, il a critiqué l’absence de diplomatie dans l’approche française, qui privilégie des méthodes autoritaires, évoquant notamment l’ultimatum fixé par le gouvernement français à l’Algérie. Il juge que cette posture est inadaptée et ne peut qu’aggraver les tensions entre les deux pays. Selon lui, une simple démarche diplomatique aurait suffi pour tenter de trouver un compromis, sans avoir recours à des menaces publiques.

Il a également souligné que l’Algérie, malgré les accusations françaises, a toujours respecté ses engagements en matière de rapatriement des ressortissants en situation irrégulière. Il a rappelé que sur les 6 000 personnes concernées par les procédures d’expulsion en 2024, l’Algérie en a accepté 3 000, ce qui démontre selon lui une coopération raisonnable. En revanche, il accuse la France de ne pas honorer ses propres engagements, notamment en matière de restitution des avoirs détournés. Il a ainsi dénoncé l’inaction de Paris face aux demandes de la justice algérienne, alors que d’autres pays européens ont répondu favorablement aux requêtes algériennes.

Quant aux perspectives des relations entre Alger et Paris, Rahabi n’exclut pas un nouvel épisode de détérioration, qui devrait perdurer jusqu’en 2027, année durant laquelle des élections présidentielles seront organisées en France, soulignant que la crise actuelle compromet la nomination d’un nouvel ambassadeur algérien à Paris. Il évoque également des dossiers sensibles non résolus, comme celui de l’écrivain Boualem Sansal, qui cristallise certaines tensions.

Lire également :

Achats de voitures en France pour un export en Algérie : une caution de 3000 € appliquée ?

Algériens de France, Préfecture : deux nouveautés introduites

AADL 3, activation du compte : une date limite fixée ?