Algériens de France : le recteur de la Grande Mosquée de Paris exprime son indignation

Grande Mosquée de Paris imams algériens

Le débat sur l’immigration algérienne en France revient régulièrement sur le devant de la scène, souvent sous un prisme négatif. Face à cette stigmatisation grandissante des Algériens de France, Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, a exprimé son indignation dans le dernier numéro de la revue « Iqra ». Dans une tribune percutante, il dénonce les discours politiques et médiatiques qui alimentent des fantasmes autour des Français d’origine algérienne et pointe du doigt une vision tronquée de leur contribution à la société.

« Le spectre de l’immigration algérienne est de retour sur le bûcher médiatique », écrit-il, dénonçant une rhétorique où « l’ignoble triptyque – précarité, regroupement familial, délinquance – est brandi comme une évidence ». Selon lui, cette approche réduit une communauté entière à des clichés négatifs, occultant délibérément son apport historique et actuel à la France.

Le recteur regrette amèrement que l’on oublie trop souvent l’histoire des premières générations d’immigrés algériens, celles qui ont œuvré dans l’ombre pour bâtir la France moderne. « Hier, ils bâtissaient la France sous le soleil de plomb des chantiers, dans les profondeurs des mines, dans l’anonymat des usines. Aujourd’hui, leurs enfants construisent l’avenir, mais on ne veut pas les voir. », a-t-il écrit. Ce constat, implacable, traduit une frustration face à l’amnésie collective et à l’ingratitude d’une partie de la société.

Chems-Eddine Hafiz ne se contente pas de dénoncer la stigmatisation des Algériens de France, il met aussi en lumière l’extension du soupçon qui pèse sur les binationaux, accusés à tort d’être un facteur de tensions entre Paris et Alger. « Nous sommes passés à l’examen des binationaux, traquant chez eux un malaise, une faute, un crime de double appartenance. » Une analyse qui fait écho aux récents débats sur la loyauté des Français ayant des origines étrangères, comme si appartenir à deux cultures était une faute.

Il rappelle cependant que la reconnaissance officielle de cette contribution est rare. Lors d’un discours prononcé au Portugal, le président Emmanuel Macron avait pourtant reconnu que « les binationaux ne doivent pas souffrir des tensions entre Paris et Alger » et qu’ils « ne sont pas coupables du mal-être de la France ». Pour le recteur, cette prise de parole était un souffle de soulagement, mais il regrette que ce répit ait été de courte durée : « À peine cette lueur entrevue qu’elle fut étouffée sous un nouvel amas de calomnies. »

Dans son plaidoyer, il interroge aussi la responsabilité des médias et des responsables politiques dans la fabrication du bouc émissaire. « J’accuse ces politiciens en quête de suffrages, ces tribuns démagogues qui ont trouvé dans l’immigration leur unique fonds de commerce. » Selon lui, cette stratégie détourne l’attention des véritables problèmes du pays et sert avant tout des intérêts électoraux. Les médias, eux aussi, ne sont pas épargnés : « J’accuse ces journalistes, mercenaires du sensationnalisme, qui ne puisent leurs chiffres que dans les abîmes de la stigmatisation. »

Mais au-delà des accusations, le recteur met en avant l’immense contribution des Français d’origine algérienne au développement du pays. Il cite notamment des figures de l’excellence française, trop souvent ignorées dans le débat public. « Où sont-ils, ces éclaireurs de la vérité, lorsque l’on parle de Yasmine Belkaïd, directrice de l’Institut Pasteur, qui façonne l’avenir de la recherche médicale en France ? Où sont-ils quand Faïrouz Malek, physicienne de génie, explore les confins de la matière et du cosmos ? » Cette omission volontaire lui semble révélatrice d’un récit biaisé qui choisit soigneusement ce qu’il met en avant.

Il dénonce également « l’obsession de la délinquance, martelée à coups de statistiques tronquées », qui masque selon lui les véritables responsabilités des inégalités sociales et des politiques discriminatoires. « Plutôt que de questionner les inégalités, plutôt que d’affronter les véritables défaillances du système, ils préfèrent l’accuser, cet autre commode, cet enfant d’ouvriers, cet héritier d’exilés. »

Chems-Eddine Hafiz conclut son texte par un appel à la mémoire et à la justice. Il exhorte à ne pas oublier que « la France est aussi l’œuvre de ces fils et filles d’immigrés » et rappelle que sans eux, de nombreux secteurs essentiels du pays fonctionneraient difficilement. « Combien encore de voix doivent s’élever pour que cesse cette infamie ? Combien de noms doivent être cités avant que l’on reconnaisse que l’immigration algérienne est aussi un creuset de réussite, de savoir et d’excellence ? »

En prenant la parole avec force, le recteur de la Grande Mosquée de Paris met en lumière une réalité souvent occultée : celle d’une immigration qui, loin des clichés négatifs, est un pilier fondamental du tissu social et économique français. Il rappelle que les accusations incessantes contre cette communauté ne sont que le reflet d’une peur alimentée à des fins politiques et médiatiques. « Le véritable danger pour cette nation, ce ne sont pas ces hommes et femmes que l’on stigmatise. Le véritable danger, c’est l’injustice d’un récit biaisé qui, un jour, se retournera contre ceux qui l’écrivent. » Un avertissement qui résonne comme un appel à une prise de conscience collective, au sujet des nombreux Algériens et binationaux résidant en France.

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