Algériens de France : les OQTF désormais enfermés à Saint-Pierre-et-Miquelon ?

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Une récente proposition de Laurent Wauquiez a déclenché une tempête politique, notamment chez les représentants des territoires d’outre-mer. Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, et prétendant à la tête du parti, a suggéré que les personnes visées par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) soient « enfermées » dans un centre de rétention situé à Saint-Pierre-et-Miquelon, un archipel français de l’Atlantique Nord. Cette déclaration a provoqué une vive réaction, particulièrement en raison de l’inclusion potentielle des Algériens de France parmi ces OQTF concernés.

Stéphane Lenormand, député LIOT de Saint-Pierre-et-Miquelon, s’est insurgé contre cette idée qu’il a qualifiée de « complètement aberrante ». Pour lui, cette proposition trahit non seulement une profonde incompréhension des réalités locales mais aussi une méconnaissance des enjeux logistiques et humains liés à une telle décision. Il a dénoncé un « mépris » pour les habitants de l’archipel et a tenu à rappeler que son territoire ne peut en aucun cas être considéré comme une « poubelle de la France ». Selon ses mots, il serait irréalisable d’acheminer des individus classés comme potentiellement dangereux via le Canada, pays voisin, en raison de l’absence d’une infrastructure logistique adaptée. Le député s’exprimait notamment sur la chaîne Twitch du journaliste Hugo Couturier, où il n’a pas mâché ses mots, ajoutant que cette proposition revient à traiter Saint-Pierre-et-Miquelon comme un lieu de relégation indigne.

La réaction de l’exécutif n’a pas tardé. Le ministre des Outre-Mers, Manuel Valls, a réagi via un communiqué transmis à l’AFP. Dans celui-ci, il affirme avec fermeté que « Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est la France, pas une prison ou un centre de rétention ». Il a dénoncé une méthode digne d’un autre temps, affirmant que « l’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République », en référence à l’époque du bagne de Cayenne. Pour le ministre, aucun territoire français, qu’il soit métropolitain ou ultramarin, ne doit être utilisé comme zone d’enfermement pour des décisions administratives comme les OQTF.

La proposition de Laurent Wauquiez survient dans un contexte tendu sur la question migratoire, où le sort des étrangers en situation irrégulière – dont de nombreux Algériens de France – suscite des débats récurrents. Les OQTF, mesures administratives imposant à un étranger de quitter le territoire français, sont souvent critiquées pour leur faible taux d’exécution. C’est dans cette logique que l’élu LR cherche à frapper fort, en suggérant des solutions dissuasives, telles qu’un éloignement dans une zone insulaire réputée pour son climat rude, avec « 146 jours de pluie et de neige » par an selon ses propres mots. L’idée serait de rendre l’OQTF non seulement exécutoire mais aussi dissuasive. Cette stratégie de « retour à l’ancienne » rappelle aux plus âgés certaines pratiques pénitentiaires du XIXe siècle, et ne passe pas inaperçue.

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La réaction de la classe politique ne s’est pas limitée à la majorité présidentielle ou aux députés d’outre-mer. Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée nationale, s’est également exprimée sur le réseau X. Elle a déclaré que « la place des OQTF, c’est dans leur pays… sûrement pas dans un territoire français », insistant sur le respect des droits des citoyens français ultramarins, qu’elle refuse de voir assimilés à des « sous-citoyens ».

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Cette polémique met en lumière un clivage profond autour des solutions envisagées pour faire face aux défis migratoires. Si le discours sécuritaire séduit une partie de l’opinion, notamment dans un contexte d’échéances électorales, il soulève également des préoccupations juridiques, humaines et territoriales. Le simple fait d’imaginer transformer un territoire français en centre de rétention géant pour étrangers en situation irrégulière – notamment des Algériens de France frappés d’OQTF – bouscule les principes républicains et réveille les souvenirs d’une époque coloniale que beaucoup souhaitent laisser derrière eux.

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Dans ce climat tendu, Saint-Pierre-et-Miquelon se retrouve au cœur d’un débat national qu’il n’a ni initié ni souhaité. Tandis que ses élus se battent pour préserver l’image et les droits de leur territoire, la proposition de Wauquiez continue de faire couler beaucoup d’encre, laissant présager que le débat sur les OQTF, y compris celles infligées aux Algériens en France, n’en est qu’à ses débuts.