L’allocation touristique accordée par l’État algérien, pensée à l’origine comme un dispositif social destiné à faciliter les déplacements des citoyens à l’étranger, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une affaire de fraude d’ampleur nationale. Ce lundi 15 décembre 2025, le ministre de l’Intérieur et des Transports, Saïd Sayoud, a tiré la sonnette d’alarme devant les députés de l’Assemblée populaire nationale, révélant l’existence d’un réseau organisé ayant détourné ce mécanisme à des fins illégales.
Selon les explications du ministre, cette allocation, fixée à 750 euros par citoyen, a progressivement perdu sa vocation initiale pour devenir un levier de spéculation sur la devise étrangère. Des pratiques frauduleuses systématiques ont été mises en place, impliquant des intermédiaires et certaines agences de voyages, transformant un avantage accordé par l’État en un véritable problème économique et sécuritaire.
Face à l’ampleur du phénomène, les autorités ont été contraintes d’instaurer des restrictions temporaires au niveau de certains postes-frontières. L’objectif affiché est clair : limiter les pertes en devises, freiner les abus et mettre un terme à des agissements qui pèsent lourdement sur les finances publiques.
S’exprimant devant les parlementaires, Saïd Sayoud a expliqué que le gouvernement a procédé à une évaluation approfondie de la situation, notamment à travers une coordination étroite avec les autorités tunisiennes. Cette coopération s’est renforcée à l’occasion d’une visite officielle récente effectuée aux côtés du Premier ministre, permettant d’échanger des informations et de mieux cerner les mécanismes de la fraude.
Les investigations conjointes ont permis de mettre en lumière l’implication de certaines agences de voyages dans l’organisation de déplacements suspects de citoyens algériens. Ces déplacements, bien que respectant en apparence les procédures légales, reposaient en réalité sur des méthodes frauduleuses visant principalement à capter et à détourner la devise étrangère.
Le mode opératoire mis au jour par les autorités est relativement simple, mais redoutablement efficace. Des citoyens algériens sont introduits légalement sur le territoire tunisien, où leurs passeports sont dûment tamponnés. Ils sont ensuite reconduits vers l’Algérie dans un laps de temps très court, sans respecter la durée légale de séjour. Cette opération est répétée plusieurs fois avec les mêmes personnes, leur permettant de bénéficier à chaque passage de l’allocation touristique, en violation flagrante de l’esprit et des règles du dispositif.
Les chiffres avancés par le ministre sont particulièrement préoccupants. En l’espace d’un mois et demi seulement, près de 100 000 cas de fraude auraient été recensés. Une statistique qualifiée d’« alarmante » par les autorités, qui y voient la preuve de l’existence d’un réseau structuré et bien organisé.
Selon Saïd Sayoud, la majorité des personnes impliquées seraient des chômeurs, recrutés et utilisés par ces réseaux comme des instruments d’une fraude transfrontalière. Ces citoyens, souvent en situation de précarité, se retrouvent au cœur d’un système qui exploite leur vulnérabilité pour capter des montants importants en devises étrangères.
Le ministre a tenu à souligner que ces sommes détournées n’ont bénéficié ni à l’économie algérienne ni à celle de la Tunisie. Elles ont été accaparées exclusivement par des réseaux illégaux et des spéculateurs, au détriment des intérêts des deux pays. Cette réalité renforce, selon lui, la nécessité d’une réponse ferme et coordonnée. Cependant, il a tenu à rassurer : l’allocation touristique ne sera pas supprimée.
Dans ce contexte, l’État algérien entend renforcer les mécanismes de contrôle et revoir les modalités d’octroi et de suivi de l’allocation touristique. Des mesures supplémentaires sont à l’étude afin de mieux encadrer les déplacements, d’identifier les abus en amont et de responsabiliser l’ensemble des acteurs impliqués, y compris les agences de voyages.