Alors que Retailleau voulait l’isoler, l’Algérie peut compter sur l’Allemagne

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Alors que Bruno Retailleau appelait à durcir le ton face à l’Algérie, allant jusqu’à réclamer des sanctions de la part de l’Union européenne, l’initiative n’a pas rencontré l’écho escompté. Plusieurs pays membres ont manifesté leur réserve, mais c’est surtout l’attitude de l’Allemagne qui a marqué les esprits. Loin d’emboîter le pas à Paris, Berlin semble même prendre le contre-pied en multipliant les initiatives économiques conjointes avec l’Algérie, comme pour souligner que les relations entre l’Algérie et l’Allemagne reposent sur des intérêts communs que la politique de confrontation ne saurait entraver.

Preuve de cette dynamique, le mégaprojet du phosphate intégré (PPI) de Tébessa, qui représente l’un des plus importants investissements industriels en Algérie, vient de franchir une étape clé grâce à la participation d’un partenaire allemand. Lors d’une cérémonie organisée pour commémorer la nationalisation des mines, le PDG du groupe Sonarem, Belkacem Soltani, a annoncé que l’étude de faisabilité du projet est actuellement en cours avec l’appui d’une société allemande. Cette collaboration entre l’Algérie et l’Allemagne dans un secteur aussi stratégique illustre la confiance réciproque que les deux pays entretiennent.

Cette phase d’étude dite « Feed compétitive », menée selon le modèle EPC (Engineering, Procurement, Construction), devrait aboutir d’ici fin 2026. Elle permettra de lancer trois grandes unités de production d’engrais à Tébessa et Souk Ahras. Pour l’Algérie, ce partenariat avec l’Allemagne est bien plus qu’un simple appui technique : c’est une reconnaissance de ses capacités industrielles, et un signal envoyé aux marchés internationaux. Car si l’Algérie parvient, avec l’appui de l’Allemagne, à faire émerger une filière compétitive autour du phosphate, elle pourra se positionner comme un acteur majeur de la fertilisation agricole mondiale.

Le projet comprend également l’exploitation de la gigantesque mine de Bled El Hadba, dont les réserves sont estimées à plus d’un milliard de tonnes. Une usine de traitement, représentant un investissement de 1,5 milliard de dollars, sera construite pour adapter la qualité du phosphate aux standards internationaux. Ce minerai alimentera ensuite l’usine de Ouad Keberit à Souk Ahras. L’Algérie, en s’associant à l’Allemagne pour cette phase d’étude, démontre qu’elle ne se contente pas d’une production brute, mais qu’elle vise une transformation industrielle à haute valeur ajoutée.

Ce tournant stratégique est d’autant plus significatif qu’il intervient après la rupture d’un partenariat précédent avec la Chine. La société ACFC, née d’un accord entre des groupes algériens et chinois, devait porter le projet, mais a été écartée en raison de difficultés financières du côté chinois. L’Algérie a alors repris le contrôle total du projet via Sonatrach et Sonarem, tout en s’ouvrant à une coopération ciblée. L’arrivée d’un partenaire allemand à ce stade est donc tout sauf anodine : elle marque le choix d’une alliance solide et crédible, dans laquelle l’Algérie et l’Allemagne s’engagent sur un pied d’égalité.

L’ensemble de ce programme, estimé à plus de 6 milliards de dollars, vise une production annuelle de 10 millions de tonnes de phosphate brut et 6 millions de tonnes d’engrais. Cela représente non seulement un levier de croissance pour l’économie nationale, mais aussi une alternative sérieuse à la dépendance aux hydrocarbures. Le soutien de l’Allemagne, à ce niveau d’ambition, offre à l’Algérie un tremplin pour affirmer son rôle dans la sécurité alimentaire régionale et mondiale.

Alors que certains, comme Retailleau, misaient sur un isolement de l’Algérie, la réalité sur le terrain montre une tout autre tendance. L’Algérie, grâce à ses ressources et à une volonté affirmée de modernisation, attire des partenaires de poids. L’Allemagne, en intensifiant sa coopération avec l’Algérie dans un secteur aussi stratégique, montre qu’elle privilégie les logiques de développement durable et de respect mutuel. Aujourd’hui, les liens entre l’Algérie et l’Allemagne s’inscrivent dans une dynamique constructive, bien loin des discours clivants venus d’ailleurs.