Après des années de relations commerciales solides dans le secteur agricole entre la France et l’Algérie, un nouveau coup d’arrêt vient bouleverser l’équilibre des échanges. Après avoir mis une croix rouge sur le blé de France, l’Algérie dit désormais non aux broutards français, ces jeunes bovins âgés de 8 à 15 mois. Ce changement soudain affecte directement des régions françaises entières, notamment la Saône-et-Loire, épicentre de la race charolaise, grande pourvoyeuse de broutards vers l’Algérie. Le média français Le Progrès a révélé lundi 26 mai 2025 que les exportations de broutards vers l’Algérie sont actuellement à l’arrêt total.
Cette suspension s’applique à un flux commercial historiquement dense entre la France et l’Algérie. Chaque année, près de 1,3 million de broutards quittent les élevages français, dont environ 20 % étaient traditionnellement destinés à l’Algérie. Ces jeunes bovins, exportés pour être engraissés avant abattage, représentaient un levier économique crucial pour des milliers d’éleveurs français, notamment en Bourgogne, en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine ou encore en Auvergne-Rhône-Alpes. Le blocage de ces exportations compromet une chaîne logistique installée depuis des décennies entre la France et l’Algérie autour des broutards.
L’origine de cette rupture, bien qu’aucune déclaration officielle n’ait été diffusée par les autorités algériennes, semble remonter à la mi-avril 2025. À cette période, la direction générale des services vétérinaires d’Algérie a cessé de délivrer les certificats sanitaires requis pour l’importation des broutards français. En l’absence de ces documents, tout envoi devient de facto impossible. Ce gel administratif, silencieux mais implacable, a provoqué l’immobilisation de centaines de têtes de bétail prêtes à partir vers l’Algérie. Selon François Chaintron, directeur délégué pour la zone Bourgogne chez Sicarev Coop, ce refus est officiellement lié à des motifs sanitaires, mais des tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie ne seraient pas étrangères à cette décision.
Le précédent de la baisse des achats algériens de blé français avait déjà envoyé un signal fort à Paris, signalant un réajustement stratégique des priorités commerciales de l’Algérie. En s’attaquant désormais au marché des broutards, la décision d’Alger touche un deuxième pilier de l’agroéconomie franco-algérienne. Jusqu’au mois de mars 2025, environ 90 000 broutards avaient déjà été exportés vers l’Algérie, sur une prévision annuelle de 220 000 têtes. L’interruption brutale de ce volume crée un manque à gagner que les éleveurs français auront du mal à combler à court terme.
L’Algérie, en stoppant l’importation de broutards, semble réorienter sa stratégie alimentaire et agricole. Ce choix, qui s’ajoute au recul des importations de blé en provenance de France, traduit une volonté de diversification, voire d’autosuffisance partielle. Pour les professionnels français, la surprise est totale. Les éleveurs estiment qu’aucune concertation n’a précédé cette décision, et qu’ils en subissent aujourd’hui les conséquences économiques directes. Les broutards destinés à l’Algérie sont désormais redirigés vers d’autres marchés, comme l’Italie, l’Espagne ou la Turquie, mais à des tarifs souvent bien moins compétitifs.
Afin de limiter les pertes, les exportateurs français explorent actuellement d’autres pistes. Des discussions sont en cours avec le Liban, les Émirats arabes unis et certains pays d’Asie du Sud-Est. Ces nouveaux marchés, bien que prometteurs, nécessitent de profondes adaptations, notamment en matière de logistique, de normes sanitaires et de délais de transport. Pendant ce temps, les professionnels du secteur restent suspendus à une éventuelle reprise des livraisons vers l’Algérie, qui demeure malgré tout un partenaire historiquement central pour les broutards de France.
Dans ce climat incertain, la relation commerciale entre la France et l’Algérie autour des broutards semble durablement fragilisée. Ce tournant s’ajoute à d’autres signes de repli algérien sur ses approvisionnements étrangers, notamment dans le domaine des céréales. En tournant ainsi le dos aux broutards de France, l’Algérie confirme une nouvelle fois son intention de repenser ses liens d’importation. Pour les éleveurs français, cette nouvelle réalité impose une réorganisation rapide afin de préserver la viabilité d’une filière déjà exposée à de nombreuses pressions.