Le président Emmanuel Macron a franchi une nouvelle étape dans le processus de réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie. Ce vendredi 1er novembre, il a officiellement reconnu que Larbi Ben M’hidi, figure emblématique de la lutte pour l’indépendance algérienne et dirigeant influent du Front de Libération Nationale (FLN), avait été « assassiné en 1957 par des militaires français sous le commandement du général Aussaresses ». Cette déclaration, qui coïncide avec le 70ᵉ anniversaire du début de la guerre d’Algérie, marque un tournant symbolique et politique fort dans les relations entre les deux pays.
Né en 1923 près d’Aïn M’lila, dans l’est algérien, Larbi Ben M’hidi est devenu l’un des leaders de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, rejoignant le FLN et se distinguant par son courage et son leadership. Dès 1956, il prend la tête de la « zone autonome d’Alger » et participe activement à la célèbre « bataille d’Alger ». Cette opération militaire d’envergure, menée par l’armée française pour briser l’insurrection à Alger, est devenue un épisode clé de la guerre d’Algérie, marquée par une répression violente, des arrestations massives, des tortures et des exécutions.
Larbi Ben M’hidi est capturé par les autorités françaises en février 1957. Quelques semaines plus tard, le général Paul Aussaresses, officier en charge des interrogatoires, décide de le faire exécuter, bien que l’état-major français ait initialement présenté sa mort comme un suicide pour couvrir cet acte. Ce n’est qu’au début des années 2000 que le général Aussaresses avoue publiquement avoir ordonné cet assassinat, révélant ainsi l’ampleur des méthodes employées par l’armée française pour contrer la résistance algérienne.
Un nouveau pas vers la vérité historique
Cette reconnaissance d’Emmanuel Macron s’inscrit dans une démarche initiée dès le début de son mandat, visant à affronter le passé colonial de la France en Algérie. L’Élysée rappelle que le président avait déjà reconnu le rôle de l’armée française dans la disparition de figures militantes comme Maurice Audin et Ali Boumendjel, deux autres martyrs de la cause algérienne victimes de tortures et d’exécutions durant la guerre. « Cette répression s’accompagna de la mise en place d’un système hors la société des droits de l’homme et du citoyen, rendu possible par le vote des ‘pouvoirs spéciaux’ au Parlement », précise le communiqué officiel.
La reconnaissance de cet assassinat vise à « aboutir à la constitution d’une mémoire apaisée et partagée », un objectif que le président Macron souhaite atteindre en poursuivant le dialogue avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Cette démarche est empreinte de la volonté de tourner une page sombre de l’histoire, tout en reconnaissant les souffrances et les traumatismes que la colonisation et la guerre ont infligés au peuple algérien. Il s’agit aussi pour la France d’assumer ses responsabilités en matière de droits de l’homme et de justice historique.
Une réconciliation difficile dans un contexte tendu
Si cette reconnaissance constitue un pas important pour la France, les relations franco-algériennes restent marquées par des tensions. Récemment, Emmanuel Macron a effectué une visite d’État au Maroc, au cours de laquelle il a soutenu la souveraineté du royaume sur le Sahara occidental, un territoire également revendiqué par l’Algérie. Cette position française a ravivé les crispations entre Paris et Alger, et pourrait compliquer le processus de réconciliation historique.
La question de la mémoire reste au cœur des discussions, mais elle s’inscrit dans un contexte politique et diplomatique délicat. Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d’Algérie, semble pourtant résolu à assumer ce passé. Dès 2017, il qualifiait la colonisation de « crime contre l’humanité » et avait promis de reconnaître les injustices et violences commises sous l’occupation française en Algérie. Depuis, ses initiatives pour la vérité et la réconciliation n’ont pas toujours rencontré un accueil favorable en Algérie, où certaines voix estiment que les excuses officielles manquent encore.
Une démarche mémorielle vers l’apaisement
La reconnaissance de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi illustre la volonté d’Emmanuel Macron de ne plus occulter les épisodes tragiques de l’histoire coloniale de la France. En faisant ce geste, la France adresse un message à l’Algérie et à ses descendants : l’heure est venue de construire une mémoire commune et de dépasser les stigmates de la colonisation. Cette démarche pourrait, à terme, ouvrir la voie à un rapprochement entre les deux nations, fondé sur la vérité et la compréhension mutuelle.
Ce geste, symbolique mais fort, montre qu’il est possible de se confronter au passé pour en tirer des leçons. Il reste à savoir si cette volonté de transparence sera suffisante pour apaiser les tensions actuelles et poser les bases d’une relation bilatérale renouvelée. Le chemin de la réconciliation est encore long, mais la reconnaissance du passé est un premier pas nécessaire pour bâtir un avenir commun entre la France et l’Algérie.
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