Attaques de Retailleau contre l’Algérie : une élue française vide son sac

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Il est des voix qui résonnent plus fort que d’autres dans l’enceinte feutrée de l’Assemblée nationale française. Sabrina Sebaihi fait partie de celles-là. Lorsqu’elle parle de l’Algérie, elle ne le fait ni avec calcul ni par opportunisme, mais avec la ferveur d’une héritière d’une histoire qu’elle refuse d’oublier. Son engagement est celui d’une femme qui porte en elle la mémoire des blessures encore vives de la colonisation et qui refuse que l’on travestisse la vérité au nom de la grandeur nationale. Ces derniers jours, son regard s’est tourné vers Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, dont les sorties sur l’Algérie n’ont cessé de souffler sur les braises d’une relation franco-algérienne déjà fragile.

Pour la députée d’Ivry-sur-Seine, les discours tenus par Retailleau, au sujet de l’Algérie, relèvent d’une vision archaïque et biaisée de l’histoire. « Bruno Retailleau regarde l’histoire de la France avec l’esprit d’un enfant qui joue avec des soldats en plomb dans sa chambre », lâche-t-elle avec une pointe d’ironie mordante, dans un récent entretien accordé au média arabophone Elkhabar.

Dans son analyse, elle ne se contente pas de pointer du doigt les provocations de Retailleau envers l’Algérie. Elle questionne aussi le silence complice de certains membres du gouvernement. « Pourquoi laissent-ils le champ libre à Retailleau ? S’agit-il d’un véritable différend de visions ou simplement d’une répartition des rôles ? » s’interroge-t-elle, refusant de croire à une simple coïncidence dans cette montée en puissance des attaques contre l’Algérie.

La députée, qui se bat depuis des années pour la reconnaissance des crimes coloniaux, voit dans ces prises de position une tentative de réécriture de l’histoire. « Il croit que la colonisation était une grande épopée, une page glorieuse de l’histoire de France, sous prétexte que nous avons apporté la civilisation et les infrastructures à un peuple barbare et arriéré, selon lui. » Mais Sebaihi n’est pas dupe. Elle sait que derrière ces discours se cache une instrumentalisation politique visant à diviser et à détourner l’attention des véritables enjeux qui préoccupent la société française.

La crise diplomatique actuelle n’est pas seulement une affaire d’États. Elle a des répercussions directes sur la vie des Algériens de France, qui voient leur image écornée et leur place sans cesse remise en question. « Il est évident que l’image de l’Algérien est instrumentalisée par une partie de la droite et de l’extrême droite comme bouc émissaire des problèmes du pays », s’indigne-t-elle.

Sur la question des expulsions, elle ne cache pas son inquiétude. « La justice a donné tort au ministre sur certaines expulsions, comme dans l’affaire de l’influenceur Boualam. On ne peut pas expulser des gens comme on envoie un colis postal. » Une phrase cinglante qui en dit long sur sa perception de la politique actuelle en matière d’immigration.

L’Assemblée nationale, théâtre de toutes les tensions, est selon elle le reflet d’une France qui glisse dangereusement vers un populisme décomplexé. « L’Assemblée suit la tendance du pays : tout droit, toujours plus à droite. Même le centre, auquel appartient le Premier ministre, dépasse parfois l’extrême droite dans sa violence envers les étrangers. » Face à cette montée en puissance du rejet de l’autre, elle appelle à un retour à la raison et à la responsabilité.

Sabrina Sebaihi ne se contente pas de dénoncer. Elle agit. Son combat pour la mémoire coloniale est l’un des piliers de son engagement. Après avoir obtenu la reconnaissance du massacre du 17 octobre 1961, elle milite désormais pour celle des massacres du 8 mai 1945. « Nous avons écouté des historiens, rencontré les familles des victimes, et nous prévoyons de nous rendre à Sétif pour la commémoration des 80 ans de ce drame. » Pour elle, la mémoire n’est pas un fardeau, mais un devoir.

Elle s’indigne également de la censure exercée sur certains travaux historiques. « L’empêcher d’être diffusé sur une chaîne publique est une honte. Je veux organiser sa projection à l’Assemblée nationale pour ouvrir un débat honnête. » Une initiative qui s’annonce aussi audacieuse que controversée, mais qui reflète bien son tempérament de battante.

Quant à l’avenir des relations franco-algériennes, elle reste lucide. « L’histoire finit toujours par donner raison aux justes. La France est assez forte pour affronter son passé et reconnaître ses erreurs. » Concernant la loi de criminalisation du colonialisme en préparation en Algérie, elle estime qu’elle est « logique et nécessaire ». Une réponse directe aux nostalgiques de l’Empire qui voudraient imposer leur récit tronqué.

Dans ce climat de tensions exacerbées, Sabrina Sebaihi s’impose comme une figure incontournable. Face aux vents contraires, elle tient bon, armée de ses convictions et d’une détermination sans faille. Son combat ne fait que commencer, mais une chose est certaine : elle n’a pas l’intention de se taire.

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