L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison ferme et à payer une amende 500.000 dinars par le tribunal correctionnel de Dar El Beida à Alger. Le verdict a été rendu ce jeudi matin, confirmant une peine plus légère que celle requise par le parquet, qui réclamait dix ans de réclusion ainsi qu’une amende d’un million de dinars algériens. Les chefs d’accusation retenus concernent l’atteinte à l’unité nationale, l’outrage à corps constitué, l’atteinte à l’économie nationale ainsi que la détention de contenus jugés menaçants pour la sécurité du pays.
DNAlgérie a appris que l’avocat franco-algérien a affirmé, au cours de l’audience qu’il « ne souhaitait en aucun cas porter atteinte à l’Etat algérien et à ses institutions ». Cependant, des preuves accablantes ont été retenues contre lui. De ce fait, le juge d’instruction a prononcé sa condamnation.
Arrêté le 16 novembre à Alger, Boualem Sansal avait été placé en détention provisoire après une garde à vue prolongée. Selon l’accusation, il a repris dans un média français des positions controversées sur des questions territoriales sensibles, notamment celles liées aux relations entre l’Algérie et le Maroc. Son dossier a été examiné dans un contexte de tensions accrues entre l’Algérie et la France, alimentées par des divergences diplomatiques sur la question du Sahara occidental.
Le ministère public algérien a insisté sur la gravité des faits reprochés, mettant en avant les potentielles répercussions des déclarations de l’écrivain sur la stabilité nationale. Selon des sources proches du dossier, les autorités ont renforcé la surveillance des contenus médiatiques impliquant des prises de position jugées contraires aux intérêts nationaux.
En France, l’affaire a suscité des réactions diverses. Plusieurs personnalités politiques et intellectuelles se sont exprimées sur le sujet, certains appelant à une réaction officielle du gouvernement français. Une manifestation a été organisée à Paris, rassemblant plusieurs figures publiques, dont des représentants de différents courants politiques.
L’affaire Boualem Sansal intervient dans un climat de tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Paris. La politique française vis-à-vis de l’Algérie, notamment en ce qui concerne certaines questions historiques et stratégiques, reste un sujet de discorde régulier entre les deux pays. Le dossier judiciaire de l’écrivain s’inscrit donc dans un contexte plus large de relations complexes entre les deux nations, marquées par des épisodes de crispation récurrents.
Du côté algérien, les autorités affirment que cette affaire relève strictement du cadre judiciaire et n’a aucun lien avec des considérations politiques extérieures. Elles rappellent que toute atteinte à la sécurité nationale ou diffusion de contenus considérés comme subversifs peut faire l’objet de poursuites judiciaires conformément aux lois en vigueur.
Boualem Sansal condamné : Retailleau mis en cause
Il est à rappeler qu’au lendemain du rassemblement parisien en soutien à Boualem Sansal, écrivain emprisonné en Algérie, la scène politique française s’est enflammée. L’événement, marqué par la présence de figures politiques comme Gabriel Attal, Marine Le Pen, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, visait à dénoncer la détention de l’écrivain et à accroître la pression sur Alger. Toutefois, des critiques n’ont pas tardé à émerger, remettant en question la sincérité de certains participants.
Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise, a vivement critiqué l’implication de Bruno Retailleau, estimant que ce dernier ne se mobilise pas réellement pour la cause de Boualem Sansal. Selon lui, le ministre de l’Intérieur instrumentalise l’affaire à des fins purement politiques. « Retailleau ne se soucie pas du sort de Boualem Sansal. Il profite de cette crise pour asseoir son influence et durcir le ton avec Alger », a déclaré Bompard, dénonçant une manœuvre opportuniste visant à renforcer son image sur la scène diplomatique franco-algérienne.
Ces accusations ont relancé le débat sur la véritable motivation des responsables politiques présents au rassemblement. Si l’incarcération de Boualem Sansal suscite une forte émotion dans le milieu intellectuel, elle s’inscrit également dans un contexte de tensions croissantes entre Paris et Alger. Entre préoccupations humanitaires et calculs politiques, la frontière semble de plus en plus floue.
Depuis l’arrestation de l’écrivain, les relations franco-algériennes se sont détériorées. Paris a multiplié les appels à sa libération, mais Alger reste inflexible et rejette toute pression extérieure. Le gouvernement algérien considère ces manifestations comme une ingérence dans ses affaires judiciaires, soulignant l’indépendance de sa justice. Toutefois, cette posture ne convainc pas les défenseurs des droits humains, qui dénoncent une répression accrue des voix dissidentes dans le pays.
Bruno Retailleau se retrouve ainsi au centre d’une polémique. Pour certains observateurs, il tente d’exploiter l’affaire pour se construire une stature d’homme d’État intransigeant face à l’Algérie. Son discours ferme sur les questions migratoires et sécuritaires, notamment en lien avec la communauté algérienne en France, alimente cette hypothèse. Sa participation au rassemblement en faveur de Boualem Sansal apparaît alors comme une stratégie visant à renforcer sa popularité auprès d’un électorat sensible aux tensions diplomatiques franco-algériennes.
Pour ses détracteurs, cette instrumentalisation politique a compliqué encore davantage la situation de l’écrivain, et d’ailleurs Boualem Sansal a été condamné ce jeudi à de la prison ferme. En politisant son cas, les chances de sa libération se sont amenuisées, Alger refusant d’apparaître comme cédant à la pression d’un ministre perçu comme hostile.
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