Dans la nuit du 2 au 3 octobre 2016, Paris s’éveillait avec l’écho d’un événement aussi spectaculaire qu’inattendu : la star américaine Kim Kardashian venait d’être braquée en plein cœur de la capitale française. Neuf ans plus tard, le procès tant attendu s’ouvre, dévoilant un casting de figures étonnantes, toutes sorties d’un autre temps, comme ressuscitées d’une époque où les « truands à l’ancienne » régnaient en maîtres sur le grand banditisme. Au centre des débats, Aomar Aït Khedache, surnommé « Omar le vieux », un Kabyle de 68 ans, désigné par les enquêteurs comme le cerveau de ce coup retentissant.
L’empreinte d’Aomar Aït Khedache sur le crime est marquée par des éléments irréfutables : son ADN retrouvé sur le scotch et les liens ayant servi à ligoter Kim Kardashian trace une route directe jusqu’à lui. Pourtant, loin de se présenter comme le grand architecte de cette opération audacieuse, il minimise son rôle, évoquant une simple participation et jetant l’ombre du commandement sur un mystérieux complice qu’il refuse de nommer. À l’époque du braquage, Aomar était en cavale, échappant à une condamnation déjà prononcée. Aujourd’hui, fragilisé par des troubles auditifs sévères, il ne peut s’exprimer que par écrit, obligeant la cour d’assises à mettre en place un dispositif exceptionnel pour assurer sa participation aux débats.
Le mode opératoire du braquage rappelle les scénarios des vieux polars : l’arrivée discrète à vélo, l’assaut en pleine nuit, le visage masqué, l’exigence glaçante du fameux « ring », la bague de fiançailles estimée à 3,5 millions d’euros. À ses côtés, d’autres complices complétaient cette équipe atypique. Yunice Abbas, 71 ans, assumant sans détour son rôle de guetteur dans le hall de l’hôtel, n’a pas résisté à la tentation de relater son aventure dans un livre à la confession explicite. Maladroit, il a semé une partie du butin dans les rues de Paris, scène captée par les caméras de surveillance et aboutissant à la récupération du seul bijou jamais retrouvé, un pendentif serti de diamants.
Parmi les autres figures notables, Didier Dubreucq, dit « Yeux bleus », 69 ans, ami de longue date d’Aomar, est soupçonné d’avoir pénétré, lui aussi, dans la chambre de Kim Kardashian. Il conteste néanmoins toute implication. Deux autres complices présumés, Pierre Bouianere, 80 ans, et Marc-Alexandre Boyer, 35 ans, sont également cités, bien que le premier, en raison de son état de santé, ne soit pas jugé dans ce procès.
Le réseau autour d’Aomar s’étendait bien au-delà des braqueurs de la nuit fatidique. Harminy Aït Khedache, son fils de 37 ans, chauffeur VTC de métier, a reconnu avoir déposé son père et deux complices à proximité de l’hôtel, sans, selon lui, connaître leurs intentions réelles. Dans cette toile complexe, Christiane Glotin, surnommée « Cathy », âgée de 78 ans, ancienne compagne d’Aomar, aurait joué le rôle d’intermédiaire en organisant certains rendez-vous sans, dit-elle, comprendre les véritables motivations derrière ces manœuvres.
Le travail des informateurs a également été déterminant dans le succès de l’opération. Gary Madar, 35 ans, frère du chauffeur employé par Kim Kardashian, a discrètement récolté des informations sur les allées et venues de la star, les transmettant indirectement via Florus Heroui, un barman de 52 ans. Les deux hommes réfutent toute responsabilité dans l’affaire.
Enfin, le volet de la revente du butin aurait été orchestré par Marceau Baum-Gertner, alias « Nez râpé », aujourd’hui décédé. Suspecté d’avoir transporté les bijoux volés en Belgique, à Anvers, capitale du commerce de diamants, il n’a jamais reconnu sa participation active à la vente de ce trésor estimé à neuf millions d’euros.
Ce procès, qui s’ouvre à Paris, cristallise l’attention non seulement pour la stature internationale de la victime mais aussi pour le parfum d’une époque révolue que dégagent ces protagonistes âgés, dont les aventures paraissent sorties d’un roman noir. Derrière le glamour des montres serties et des bagues dérobées se dessine le portrait d’une bande d’hommes et de femmes que l’âge n’a pas détournés des sentiers du crime, et au centre de laquelle, Aomar Aït Khedache, le Kabyle au destin tourmenté, demeure la figure la plus énigmatique.