Les relations entre la France et l’Algérie, notamment sur le plan migratoire, sont à nouveau au cœur des débats politiques français. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a relancé la polémique en appelant à la fin de l’accord migratoire franco-algérien signé en 1968, un texte qui, selon lui, facilite l’attribution de titres de séjour aux ressortissants algériens. Cette proposition intervient dans un contexte où les critiques de la droite et de l’extrême droite contre cet accord se multiplient, alimentées par des événements récents, comme l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal ou l’échec de l’expulsion d’un influenceur algérien.
Ce traité, signé six ans après l’indépendance de l’Algérie, a vu la création d’un statut unique pour les ressortissants algériens, concernant leur circulation, leur séjour, ainsi que leur accès à l’emploi en France. Cet accord visait à faciliter l’immigration économique à une époque où la France avait un grand besoin de main-d’œuvre pour répondre à la croissance rapide de l’économie pendant les Trente Glorieuses. Cependant, de nombreuses voix en France, notamment du côté de la droite, dénoncent aujourd’hui les effets de cet accord et son impact sur la politique migratoire actuelle.
L’accord franco-algérien de 1968 est souvent perçu comme trop favorable aux Algériens, notamment en ce qui concerne les conditions d’octroi des titres de séjour et la possibilité de regroupement familial. En effet, alors que pour les autres ressortissants étrangers, il est nécessaire d’être présent en France pendant 18 mois avant de pouvoir faire venir sa famille, les Algériens peuvent initier cette démarche après seulement 12 mois. Cela fait de l’Algérie le pays le plus représenté en termes de délivrance de titres de séjour en France, un fait qui a récemment été mis en lumière par le ministère de l’Intérieur. En 2023, 646 462 titres de séjour ont été accordés aux ressortissants algériens, bien plus que pour les ressortissants d’autres pays.
Les critiques de la droite contre l’accord franco-algérien ne sont pas nouvelles, mais elles ont pris une ampleur particulière ces derniers mois. Le ministre de l’Intérieur considère que l’Algérie n’a pas respecté le droit international, et il plaide pour la fin de cet accord, qu’il considère comme un facteur facilitant l’installation des ressortissants algériens sur le territoire français. Selon lui, il est temps de reconsidérer ce traité, notamment pour limiter les flux migratoires jugés excessifs. En réponse à ses propos, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a affirmé que la politique étrangère de la France est d’abord une affaire du Quai d’Orsay et sous l’autorité du président de la République, et non une question à trancher au ministère de l’Intérieur.
Lors de son intervention sur BFMTV, Jean-Noël Barrot a déclaré : « C’est bien au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République, que se forge la politique étrangère de la France. Ce n’est pas une question de décision à prendre sur un coup de tête. » Il a poursuivi en précisant que « supprimer ou abroger cet accord n’est pas une recette miracle. Si cela devait être la solution, cela aurait été fait depuis longtemps ». Ces déclarations ont marqué un rejet ferme de la proposition de Bruno Retailleau, soulignant que les questions diplomatiques ne se résolvent pas à la hâte et nécessitent une réflexion approfondie.
Le ministre des Affaires étrangères a également insisté sur le fait que la diplomatie française privilégie les relations de long terme avec ses partenaires, notamment avec l’Algérie, en soulignant l’importance de maintenir des liens constructifs. Pour lui, ce type de débat ne doit pas se réduire à une question migratoire, mais à un ensemble de considérations qui incluent des aspects économiques, stratégiques et politiques. En réponse à la pression exercée par Bruno Retailleau et certains membres de la droite, Jean-Noël Barrot a réaffirmé que le gouvernement français ne se laissera pas emporter par des décisions impulsives, et qu’il est essentiel de considérer les implications globales avant de remettre en question un traité vieux de plus de 50 ans.
L’appel de Bruno Retailleau s’inscrit dans un contexte plus large de discussions sur la politique migratoire en France, un thème qui est revenu sur le devant de la scène à l’occasion du projet de loi immigration, discuté en 2023 à l’Assemblée nationale. Plusieurs figures politiques, dont Édouard Philippe, ont fait part de leur soutien à la révision ou à l’abrogation de cet accord. Cependant, malgré les pressions exercées par la droite, le président Emmanuel Macron a toujours fermé la porte à cette option. Pour l’instant, le gouvernement semble privilégier une révision de certaines dispositions de l’accord, mais pas sa suppression totale.
L’argument de Macron repose en partie sur la nécessité de maintenir des relations diplomatiques stables avec l’Algérie, un partenaire stratégique sur le plan économique, notamment en matière d’énergie. En 2023, les exportations algériennes de gaz et de pétrole ont augmenté de 15 %, en particulier en raison de la guerre en Ukraine et de la volonté de la France de réduire sa dépendance au gaz russe. Cette dynamique économique complexe pourrait rendre difficile une rupture totale de l’accord migratoire, car une telle décision risquerait de provoquer des représailles de la part du gouvernement algérien, notamment en ce qui concerne l’exportation d’hydrocarbures.
Le président Macron semble donc privilégier une approche pragmatique, cherchant à maintenir de bonnes relations diplomatiques tout en répondant aux critiques internes sur la question migratoire. Les autorités françaises sont conscientes que la mise en place de mesures strictes en matière de migration pourrait avoir des répercussions sur les relations commerciales et diplomatiques avec Alger. La fin de l’accord pourrait aussi entraîner des tensions concernant les expulsions des ressortissants algériens sous Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), car l’Algérie pourrait décider de limiter la délivrance de laissez-passer consulaires, un document indispensable pour procéder à l’expulsion des personnes concernées.
Toutefois, malgré les tensions sur la question migratoire, les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie continuent de prospérer. La France demeure un partenaire économique majeur pour l’Algérie, et de nombreux secteurs, notamment le secteur de l’énergie, dépendent de cette relation commerciale. Si l’accord de 1968 était abrogé, cela pourrait nuire aux relations économiques, car l’Algérie pourrait envisager des mesures de rétorsion, notamment en limitant les exportations de gaz et de pétrole vers la France.
Dans ce contexte, les appels à la fin de l’accord migratoire franco-algérien risquent de rester une source de tensions internes en France, notamment à droite, où plusieurs figures politiques continuent de dénoncer l’accord comme un facteur d’immigration incontrôlée. Cependant, la réalité politique et diplomatique est plus complexe, et la décision de mettre fin à cet accord dépendra finalement du président de la République, Emmanuel Macron. Pour l’heure, aucune décision radicale n’a été prise, et les discussions sur le sujet continuent de diviser les acteurs politiques français. L’accord de 1968 reste donc un point sensible dans les relations entre la France et l’Algérie, un dossier sur lequel la politique migratoire du pays pourrait encore évoluer, mais sans que la fin de cet accord ne semble être une priorité immédiate.
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