Casablanca a souvent été associée à l’image romantique et tumultueuse de la ville coloniale, telle que dépeinte dans le célèbre film éponyme. Un lieu de dernière frontière exotique dans le chaos de la Seconde Guerre mondiale. Mais derrière cette façade se cache une histoire moins connue, celle d’une ville qui, pendant des décennies, a été un refuge pour une communauté transsexuelle en quête de transformation. À l’épicentre de cette histoire se trouve le gynécologue obstétricien Georges Burou, dont les opérations ont fait de Casablanca une destination incontournable pour ceux cherchant une nouvelle identité.
En 1950, Georges Burou a installé ses bureaux gynécologiques au numéro 71 de l’avenue d’Amade à Casablanca, aujourd’hui avenue Hassan II. Derrière ce bâtiment, Burou et sa femme Nanou ont établi la Clinique du Parc en 1952. Cette clinique, située au numéro 13 de la rue Lapebie (actuellement rue Melouia), abritait sa salle d’opération et son service de chirurgie aux deuxième et troisième étages. Georges Burou est devenu un personnage emblématique de Casablanca, connu pour ses compétences chirurgicales mais aussi pour son aura mystérieuse et fascinante. Des confrères admiratifs ou accusateurs, et des patientes devenues amies, parlent de lui avec des réserves, révélant à demi-mots des histoires souvent troublantes. C’est en effet ce que révèle le média marocain Le DESK.
Né en 1910 en France, Burou a grandi en Algérie, où il a poursuivi de brillantes études et obtenu un diplôme de gynécologie-obstétrique. Il devient chef de clinique des hôpitaux d’Alger. Cependant, des déboires amoureux et des pratiques controversées, notamment des avortements interdits, le forcent à quitter l’Algérie pour s’installer au Maroc. À Casablanca, il commence à pratiquer son métier de gynécologue, notamment en réalisant des avortements en toute illégalité. Sa réputation grandit, attirant des femmes de tout le Maroc.
Mais c’est dans les années 1950 que Burou fait une découverte qui changera sa carrière et la vie de nombreux individus. Un jour, un jeune homme, ingénieur du son à Casablanca, se présente à lui vêtu en femme. Avec une conviction profonde que son corps masculin est une erreur tragique de la nature, il demande à Burou de l’aider. Après des mois d’études, Burou réalise sa première opération de changement de sexe. Cette intervention est un succès et marque le début d’une spécialisation presque accidentelle mais qui fera de lui une figure incontournable de la chirurgie de changement de sexe.
La clinique du Parc devient alors un lieu de transformation où des transsexuels du monde entier viennent chercher une nouvelle identité. Burou développe une technique innovante de vaginoplastie, qui attire rapidement une clientèle internationale. Parmi ses patients célèbres se trouvent des figures comme Jacqueline Charlotte Dufresnoy, connue sous le pseudonyme de Coccinelle, qui obtient une publicité internationale après son opération, et Bambi, une autre star des cabarets parisiens.
Les interventions de Burou ne se limitent pas à des transformations physiques. Il crée un environnement où les futurs opérés sont préparés psychologiquement à leur nouvelle condition. On leur apprend à se maquiller, à marcher et à se comporter comme des femmes. Ce processus complet de transformation, de l’opération à la rééducation sociale, contribue à la renommée de Burou.
Cependant, cette renommée attire aussi des critiques et des rumeurs. Burou est accusé de pratiques occultes, et des histoires circulent sur des avortements illégaux et des euthanasies de nouveau-nés malformés. Ses méthodes, bien que controversées, sont efficaces et lui valent une fortune. Burou mène une vie aisée, entouré de luxe, et échappe aux impôts grâce à des connexions politiques haut placées.
Les années passent, et Burou continue d’innover. Il présente ses travaux à des congrès médicaux internationaux, notamment à l’université de Stanford et au Collège des hôpitaux de Paris. Ses techniques de vaginoplastie sont largement reconnues et adoptées par d’autres chirurgiens. Mais malgré son succès, Burou reste discret et évite les feux de la rampe. Il préfère se consacrer à son travail, laissant à sa femme Lisa la gestion des affaires matérielles.
Dans les années 1970, Burou a réalisé plus de 800 opérations de changement de sexe, consolidant sa réputation de pionnier dans le domaine. Des personnalités du monde entier, comme l’artiste néerlandaise Colette Berends et le transsexuel britannique April Ashley, viennent à Casablanca pour se faire opérer. Les histoires de ses patients, comme celles d’April Ashley décrivant une clinique à l’ambiance psychédélique et feutrée, ajoutent à la légende de Burou.
Cependant, le succès et la notoriété attirent aussi des rumeurs extravagantes. Certains affirment que des célébrités comme Michael Jackson et Amanda Lear se sont rendues à Casablanca pour des opérations. Bien que ces histoires soient largement démenties, elles témoignent de l’aura de mystère qui entoure Burou et sa clinique.
En 1987, Georges Burou meurt dans un accident en mer, laissant derrière lui un héritage complexe. Sa technique de vaginoplastie continue d’influencer le domaine de la chirurgie de changement de sexe, et Casablanca reste dans les mémoires comme une Mecque mythique pour les transsexuels.
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