Ils croyaient en un avenir meilleur, en des CDI salvateurs et en une régularisation promise. Une douzaine de travailleurs, principalement des Algériens sans papiers, installés dans les Hauts-de-Seine, pensaient avoir trouvé le chemin vers une stabilité administrative et professionnelle. Leur espoir s’est finalement transformé en désillusion, rapporte le journal Libération ce jeudi 22 mai. Ces Algériens ont versé plusieurs milliers d’euros à un homme se présentant comme intermédiaire, en échange d’un CDI censé leur permettre d’obtenir un titre de séjour. À la place, ces Algériens se sont retrouvés sans CDI, sans papiers, et surtout licenciés.
Tout commence au mois de janvier 2025. Des Algériens en situation irrégulière sont approchés par une personne qui leur présente une opportunité rare : obtenir un CDI bien rémunéré, jusqu’à 2.000 euros nets par mois. Cette promesse, faite à des Algériens privés de droits et en quête de régularisation, s’accompagne d’un coût. Chaque Algérien intéressé doit débourser entre 2.000 et 2.500 euros pour que l’intermédiaire active les démarches menant à un CDI. Avec l’espoir de sortir enfin de l’ombre, les Algériens concernés paient.
L’intermédiaire, décrit comme habile et persuasif, les oriente alors vers un poste à l’hypermarché Carrefour de Villeneuve-la-Garenne. Sur place, les Algériens découvrent rapidement que les CDI promis ne sont que des contrats de professionnalisation, payés au SMIC. Aucun CDI signé. Les conditions de travail sont difficiles, et les Algériens concernés acceptent malgré tout, s’accrochant au moindre espoir d’un vrai CDI, d’un futur possible.
Chaque jour, ces Algériens travaillent à l’aube, chargés des tâches les plus physiques. De 5 heures à 11 heures du matin, ils soulèvent des bouteilles d’alcool, déplacent des packs d’eau, sans broncher. Les CDI, eux, se font toujours attendre. Pourtant, l’homme qui les a mis en lien avec le magasin ne disparaît pas. Il poursuit son chantage. Certains, comme Lakhdar, témoignent avoir versé encore plus, jusqu’à 3.700 euros, avec la promesse insistante qu’un CDI régularisateur leur sera bientôt accordé. Pour ces Algériens, chaque euro donné est une prière silencieuse pour la reconnaissance.
Face à la répétition des promesses non tenues, ces Algériens décident de briser le silence. Ils dénoncent leur situation à la direction nationale des ressources humaines de Carrefour. À peine trois jours après ce signalement, Carrefour prend une décision radicale : les Algériens lanceurs d’alerte sont tous licenciés. La CGT, informée de la situation, s’indigne de ce qu’elle considère comme une réponse injuste à une démarche légitime. Les Algériens en question n’ont fait que demander ce qui leur avait été promis : un CDI, une chance de vivre dignement.
Privés de leur emploi, ces Algériens gardent néanmoins leur uniforme. Ils reviennent devant l’enseigne, non plus comme employés, mais comme protestataires. Avec des banderoles à la main, ils réclament leur droit à un CDI, à une régularisation, à la justice. Sept d’entre eux engagent une procédure judiciaire contre leur ex-employeur, convaincus qu’ils ont été dupés et instrumentalisés. Pour ces Algériens, le CDI n’est plus un simple contrat, mais le symbole d’un combat pour l’égalité de traitement.
Carrefour, de son côté, affirme que ces licenciements étaient inévitables, étant donné l’irrégularité administrative des Algériens concernés. Toutefois, l’entreprise indique avoir versé à chacun une indemnité correspondant à trois mois de salaire. Elle précise également que si la situation de ces Algériens se régularise, un CDI leur sera proposé, comme initialement espéré.
L’affaire, mise au jour par Libération, éclaire une réalité amère. Dans l’attente d’un CDI, des Algériens ont versé tout ce qu’ils possédaient, croyant à une régularisation par le travail. Ils se sont retrouvés piégés, manipulés, puis écartés. Aujourd’hui, ces Algériens continuent de réclamer ce qui leur revient : un CDI honnête, une existence légale, et surtout, la fin d’un système où espoir et exploitation vont de pair.