Classé organisation terroriste par l’Algérie depuis 2021, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, plus connu sous l’acronyme « MAK », continue de susciter de vives tensions sur le plan politique, diplomatique et sécuritaire. Basé principalement en France, où il a établi son siège et l’essentiel de ses activités, ce mouvement séparatiste est au cœur d’une controverse renouvelée après l’interdiction, par les autorités françaises, d’un rassemblement qu’il projetait d’organiser récemment à Versailles.
La préfecture des Yvelines, en banlieue parisienne, a en effet décidé d’interdire cet événement, prévu au Palais des congrès de la ville, lors duquel le « MAK » comptait proclamer symboliquement une prétendue « indépendance de la Kabylie vis-à-vis de l’Algérie ». La décision a été prise à la veille de la manifestation et justifiée par des considérations liées à la sécurité et à la préservation de l’ordre public. Officiellement, les autorités françaises ont estimé qu’un tel rassemblement risquait de provoquer des affrontements sur la voie publique entre partisans du mouvement et membres de la communauté algérienne opposés à cette initiative.
Cette interdiction a relancé le débat sur la position réelle de Paris à l’égard du « MAK ». Pour certains observateurs, elle pourrait traduire une inflexion, même limitée, dans l’attitude française vis-à-vis d’un mouvement que l’Algérie considère comme une menace directe à son unité nationale. Pour d’autres, il s’agit avant tout d’une mesure pragmatique, dictée par la crainte de troubles sur le sol français, sans remise en cause fondamentale du cadre dans lequel le « MAK » continue d’évoluer en France.
Le projet du mouvement, qui a fait de la France sa base arrière et son principal espace d’expression, visait à organiser une cérémonie hautement symbolique, provoquant une vague massive de rejet et de condamnation. Cette opposition ne s’est pas limitée aux institutions algériennes : elle s’est également exprimée au sein même de la région kabyle et à travers l’ensemble des forces politiques nationales, qui ont unanimement dénoncé une tentative de division du pays.
Cette affaire intervient dans un contexte de relations algéro-françaises déjà marquées par de fortes tensions, notamment sur les questions mémorielles et sécuritaires. Les initiatives du « MAK » sont perçues à Alger comme un facteur aggravant, ayant contribué à élargir le fossé entre les deux pays et à compliquer la coopération bilatérale, en particulier dans le domaine sécuritaire. L’Algérie a, à plusieurs reprises, émis des mandats d’arrêt internationaux contre le chef du mouvement, Ferhat Mehenni, et certains de ses proches collaborateurs. Ces démarches n’ont toutefois pas abouti, les autorités françaises ayant refusé d’y donner suite, continuant de facto à lui offrir protection et liberté d’action.
Dès 2021, l’Algérie avait anticipé ce qu’elle considère comme un projet de partition en classant le « MAK » organisation terroriste. Cette décision faisait suite à des accusations graves liant le mouvement à des actes de violence et de sabotage, notamment lors des incendies dévastateurs de l’été 2021 en Kabylie et dans d’autres régions du pays. Ces feux avaient causé la mort de dizaines de citoyens et provoqué d’importants dégâts humains et matériels.
À l’époque, des accusations officielles avaient pointé l’implication ou l’incitation de cellules du « MAK » dans ces incendies. Les médias publics algériens avaient diffusé des aveux de personnes arrêtées, parmi lesquelles figuraient des individus impliqués dans le meurtre et l’immolation du volontaire Djamel Ben Ismaïl, originaire de Miliana. Les autorités avaient alors estimé que ces événements dépassaient le cadre de catastrophes naturelles et s’inscrivaient dans une logique de déstabilisation politique.
Par la suite, plusieurs témoignages et documentaires officiels ont établi, selon la version algérienne, des liens entre l’activité du mouvement et des influences extérieures hostiles, notamment le Maroc et l’entité sioniste. Ces éléments ont été présentés comme l’un des facteurs ayant conduit à la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc en 2021.
En août 2024, les révélations de Moussa Zaïdi, présenté comme un membre arrêté du mouvement, ont renforcé ces accusations. Il a affirmé que le « MAK », opérant sous protection en France, entretenait des relations étroites avec des États et des entités hostiles à l’Algérie. Selon ses déclarations, une cargaison d’armes saisie au port de Béjaïa, en provenance de Marseille, devait servir à cibler la rentrée sociale et les élections présidentielles anticipées.
Le documentaire de la Télévision algérienne, intitulé « Le mouvement terroriste MAK… les mains de la trahison et de la collaboration », a présenté le mouvement comme engagé dans une stratégie de passage à l’action armée. Zaïdi y affirmait que, sous la direction de Ferhat Mehenni, le « MAK » préparait des actions visant à semer le chaos lors de rassemblements populaires, et qu’il était chargé depuis 2022 de la logistique et de l’approvisionnement en armes.
Malgré ces accusations, la France n’a jamais inscrit le « MAK » sur sa liste officielle des organisations terroristes. Paris a continué à lui offrir un espace d’activité et un refuge permettant la coordination de ses membres avec des forces considérées comme hostiles à l’Algérie. L’interdiction récente du rassemblement de Versailles apparaît donc moins comme un changement de doctrine que comme une mesure de précaution.
Du point de vue algérien, cette décision ne constitue ni un geste de confiance ni un pas vers un rapprochement sécuritaire. Elle est plutôt interprétée comme la reconnaissance implicite, par les autorités françaises, que les activités publiques du « MAK » représentent désormais un risque pour l’ordre public en France. Dans ce sens, le mouvement pourrait être en train de devenir un fardeau sécuritaire pour Paris, non pas en raison de sa nature séparatiste vis-à-vis de l’Algérie, mais à cause des tensions et des troubles qu’il est susceptible de provoquer sur le territoire français lui-même.
L’Algérie restera unie et indivisible, au grand dam de ses ennemis !