L’Assemblée populaire nationale (APN) a ouvert un débat sensible et d’une portée juridique majeure en examinant une proposition de loi visant à encadrer le retrait de la nationalité algérienne, qu’elle soit d’origine ou acquise. Cette initiative intervient dans un contexte où les autorités cherchent à renforcer la sécurité nationale tout en adaptant le cadre légal aux réalités contemporaines, plus de vingt ans après la dernière révision de la loi sur la nationalité.
Selon le député Hicham Safar, auteur de la proposition, cette réforme a pour objectif de clarifier et de préciser les conditions dans lesquelles l’État pourrait retirer la nationalité à un citoyen, en lien avec des atteintes graves aux intérêts vitaux de l’Algérie et à l’unité nationale. Le texte identifie six situations spécifiques pouvant justifier une telle mesure. Parmi elles figurent l’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, la mise en danger de l’unité nationale, la manifestation de loyauté envers un État étranger, la prestation de services à des entités extérieures dans l’intention de nuire à l’Algérie, la collaboration avec un État hostile, ou encore le financement et la promotion d’organisations terroristes.
Le projet de loi prévoit un encadrement strict de la procédure. Toute décision de retrait de nationalité devrait être précédée d’un avertissement de 60 jours et ne pourrait intervenir que par décret présidentiel. Les personnes concernées auraient le droit de présenter leurs observations et de se défendre avant toute décision. Cette démarche vise à prévenir les abus et à garantir que la mesure reste exceptionnelle et proportionnée aux actes commis.
L’exposé des motifs de la proposition rappelle que l’ordonnance n°70-86 du 15 décembre 1970, régissant actuellement la nationalité, nécessite une mise à jour. La révision vise à intégrer les évolutions constitutionnelles et juridiques récentes, à renforcer la sécurité juridique de l’État, et à adapter le texte aux nouveaux enjeux sécuritaires et internationaux. L’article 22 du projet est particulièrement significatif : il prévoit le retrait de la nationalité acquise en cas de condamnation pour des crimes ou délits portant atteinte aux intérêts vitaux de l’Algérie, même si les faits ont été jugés à l’étranger.
La réforme ne se limite pas à la nationalité acquise. Elle s’applique également à la nationalité d’origine lorsque des actes graves sont commis hors du territoire national, notamment la collaboration avec des services militaires ou sécuritaires étrangers, ou toute relation avec des entités hostiles à l’Algérie. Le texte précise aussi des délais précis pour limiter l’application de la mesure et éviter toute dérive.
Par ailleurs, la proposition de loi introduit une possibilité de récupération de la nationalité algérienne après un délai minimum de 24 mois, sur demande et par décret présidentiel. Cette disposition souligne le caractère exceptionnel et temporaire de la sanction, tout en laissant ouverte la possibilité de réintégration pour les personnes repentantes ou dont les circonstances ont évolué.
Le ministre de la Justice, Lotfi Boudjemaa, présent lors de l’audition devant la commission des affaires juridiques et des libertés de l’APN, a insisté sur l’équilibre recherché entre la protection de l’État et le respect des droits fondamentaux. Selon lui, la mesure est conçue pour être un outil de sécurité nationale, mais elle doit s’inscrire dans le respect des principes constitutionnels et des engagements internationaux de l’Algérie.
Alors que le texte poursuit son examen avant d’être présenté en séance plénière, ce débat marque une étape importante dans la modernisation du droit sur la nationalité en Algérie. Les discussions à venir permettront de définir clairement les contours de cette mesure exceptionnelle, afin qu’elle protège les intérêts de l’État tout en respectant les garanties légales des citoyens.