Le projet de recherche baptisé « Coran européen » sème une vive controverse au sein du paysage politique français. À l’origine de la tempête : un financement de 9,8 millions d’euros accordé par la Commission européenne à un programme scientifique visant à explorer l’influence du Coran dans l’histoire intellectuelle de l’Europe. L’eurodéputé RN Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex, a tiré la sonnette d’alarme. Sur la plateforme X, il dénonce des « dérives idéologiques » et s’interroge sur la légitimité d’un tel investissement public. Selon lui, ce programme serait en lien avec une mouvance idéologique proche des Frères musulmans, qu’il juge incompatible avec les valeurs fondatrices de l’Union européenne.
Intitulé « The EuQu » — contraction de The European Qur’an — ce projet de recherche a été lancé en 2019 et court jusqu’en mars 2026. Il réunit une trentaine de chercheurs issus de différentes universités européennes, dont celles de Nantes, de Naples, de Copenhague ainsi que le Centre de Sciences humaines et sociales de Madrid. L’objectif annoncé est de replacer le Coran dans le contexte des dynamiques religieuses et culturelles européennes entre le XIIe et le XIXe siècle. Pour John Tolan, professeur à l’université de Nantes et l’un des coordinateurs du projet, il s’agit d’une entreprise strictement académique visant à démontrer que le livre sacré de l’islam a occupé une place de réflexion intellectuelle constante dans les sphères chrétiennes, laïques et philosophiques du continent.
Le programme bénéficie d’une subvention « Synergy Grant », délivrée par le Conseil européen de la recherche, un organisme réputé pour ne financer que des projets à haute valeur scientifique. Ce type de bourse, exceptionnel par son ampleur — plafonné à 10 millions d’euros —, est réservé à des consortiums de chercheurs jugés capables de produire des résultats d’envergure. Pourtant, Fabrice Leggeri estime que cette enveloppe budgétaire est excessivement élevée pour une telle entreprise, qualifiée par ses soins de tentative de « réécriture de l’histoire religieuse de l’Europe ».
À ses yeux, l’idée selon laquelle l’Europe aurait été continuellement façonnée par l’islam entre 1150 et 1850 constitue une falsification historique, que l’Union européenne cautionnerait à travers ce financement. Il cite notamment l’exemple de Naima Afif, chercheuse impliquée dans le projet, qui a écrit une biographie sur Hassan el-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Une proximité idéologique soupçonnée, que Leggeri perçoit comme un cheval de Troie pour diffuser une vision politique sous couvert de recherche universitaire. Il a d’ailleurs adressé un courrier à la Commission européenne pour demander des comptes : critères de sélection scientifique, garanties déontologiques, mécanismes de contrôle… L’eurodéputé réclame un audit du projet et n’exclut pas des sanctions.
Sur le terrain, le projet ne se limite pas aux murs des universités. Il s’incarne aussi dans des expositions itinérantes, à Nantes, Vienne, Amsterdam ou Tunis, ainsi que dans des séminaires publics et la parution prochaine d’une bande dessinée documentaire intitulée Safar. Cette dimension pédagogique, conçue pour sensibiliser le grand public à la pluralité des lectures du Coran, n’atténue en rien la défiance de certains élus.
De son côté, John Tolan insiste sur la rigueur méthodologique de l’initiative. Il réfute tout lien avec des mouvements islamistes et défend une approche académique fondée sur la comparaison historique. Pour lui, ce travail permet précisément de s’émanciper des lectures dogmatiques, tout en reconnaissant l’apport de l’islam à l’histoire intellectuelle européenne sans chercher à le glorifier. « Il n’y a pas une seule manière d’aborder le Coran », affirme-t-il, en soulignant que ce champ d’étude n’est pas l’apanage des croyants.
Ce débat prend place dans un climat tendu. Il fait écho à d’autres polémiques liées à la place de l’islam en Europe, comme l’intégration controversée de l’université de Gaziantep, en Turquie, au programme Erasmus ou la campagne européenne de 2021 intitulée « La liberté est dans le hijab ». Pour Fabrice Leggeri, ces initiatives participeraient d’un mouvement plus large d’entrisme idéologique qu’il juge dangereux pour l’unité culturelle de l’Europe. Il y voit un effet du « wokisme » et d’une naïveté des institutions européennes face à ce qu’il décrit comme « une offensive à bas bruit ».
La controverse autour du « Coran européen » soulève ainsi des interrogations majeures sur les frontières entre recherche académique, histoire religieuse et enjeux politiques. Elle illustre aussi la difficulté croissante de concilier l’ambition scientifique avec les sensibilités identitaires dans un contexte européen de plus en plus polarisé.
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