Le marché noir des devises en Algérie, longtemps marqué par des hausses spectaculaires, connaît aujourd’hui une inversion de tendance, en effet, l’euro, jadis au sommet, a franchi un seuil symbolique en dégringolant sous la barre des 250 dinars ce jeudi 19 décembre au célèbre Square Port-Saïd d’Alger. Cette chute, amorcée la semaine dernière, s’accompagne également d’un recul du dollar américain, confirmant une instabilité inattendue sur ce marché parallèle.
Depuis les records enregistrés en septembre dernier, la monnaie européenne a perdu plus de 10 dinars en moins de deux semaines, un déclin qui soulève de nombreuses interrogations. Le dollar, pour sa part, suit une trajectoire similaire, fragilisant davantage un marché où ces deux devises règnent en maîtres. Plusieurs facteurs semblent expliquer cette dynamique baissière, notamment les récentes décisions prises par le gouvernement, qui semblent peser sur la demande de devises dans ce circuit informel.
Parmi ces mesures figure le gel des cartes d’immatriculation des véhicules importés de moins de trois ans, une décision annoncée en octobre dernier. Cette restriction, qui vise à réguler le secteur automobile, prive le marché noir d’une importante source de demande en devises. En effet, l’achat de véhicules importés nécessitait des quantités significatives d’euros, alimentant un flux constant vers ce marché parallèle. Avec cette nouvelle réglementation, l’une des principales motivations des transactions en devises s’estompe.
À cela s’ajoute une mesure encore plus décisive : le plafonnement à 7 500 euros du montant annuel en devises autorisé à l’exportation. Cette décision impacte directement les acteurs économiques et les voyageurs fréquents, notamment les commerçants informels et les trabendistes, qui se tournaient jusqu’ici vers le marché noir pour satisfaire leurs besoins. En limitant les montants qu’ils peuvent transporter légalement, le gouvernement a indirectement réduit leur recours à ce circuit parallèle.
Mais c’est sans doute la hausse spectaculaire de l’allocation touristique qui a porté le coup le plus sévère au marché noir. Fixée désormais à 750 euros pour chaque voyageur adulte, cette allocation, disponible au taux officiel, représente une alternative séduisante pour les Algériens qui n’ont plus besoin de s’aventurer dans le marché parallèle pour financer leurs déplacements à l’étranger. Une telle mesure, bien que saluée par de nombreux citoyens, redessine les contours du marché des devises et pourrait durablement changer les habitudes des voyageurs.
Ce jeudi 19 décembre, ces ajustements commencent à produire leurs effets. L’euro, proposé à 248 dinars à l’achat et 252 dinars à la vente, atteint son niveau le plus bas depuis plusieurs mois. Un billet de 100 euros, qui valait jusqu’à 26 000 dinars il y a quelques semaines, s’échange désormais à 24 800 dinars à l’achat et 25.200 à la vente. La dévaluation est tout aussi significative pour le dollar américain, qui s’affiche à 239 dinars à l’achat et 241 dinars, contre 247 dinars en début de semaine.
La question qui se pose désormais est celle de la durabilité de cette tendance. L’entrée en vigueur, en janvier prochain, des nouvelles mesures sur l’allocation touristique et le plafonnement des exportations en devises pourrait accentuer la pression sur le marché noir. Cependant, les cambistes pourraient chercher des moyens de contourner ces restrictions, maintenant ainsi une certaine résilience dans le marché parallèle. Pour l’instant, les consommateurs algériens, souvent désavantagés par les fluctuations de ce marché, pourraient bénéficier de cette accalmie.
Ce revirement souligne également l’importance d’un cadre réglementaire renforcé pour stabiliser le marché des devises en Algérie. Si la baisse actuelle offre un répit aux ménages et aux voyageurs, elle illustre aussi la fragilité d’un système où le marché noir joue un rôle prépondérant. À mesure que le gouvernement affine sa stratégie pour réduire l’écart entre les taux officiels et parallèles, les prochaines semaines pourraient bien révéler si cette baisse est une tendance durable ou une simple fluctuation temporaire. Pour l’heure, les regards restent tournés vers Port-Saïd, épicentre d’un marché en pleine mutation.
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