Ce qui s’annonçait comme un simple départ vers les Émirats arabes unis a viré au scénario d’évasion que même les meilleurs réalisateurs de thrillers auraient peiné à imaginer. L’histoire met en scène un jeune étudiant universitaire de 24 ans, originaire de Constantine, identifié sous les initiales « A.M Amine », arrêté à l’aéroport international Houari Boumediene d’Alger, le plus grand aéroport d’Algérie, pour tentative de trafic de comprimés psychotropes de type ecstasy. C’est en inspectant ses bagages que les agents des douanes ont découvert une cachette aussi audacieuse qu’improbable : quelque 300 comprimés dissimulés dans des boîtes de beurre. L’objectif était de faire passer la drogue inaperçue à bord d’un vol à destination de Dubaï, ville où le jeune homme poursuivait ses études universitaires.
Mais l’affaire a pris une tournure bien plus grave lorsque le suspect a réussi à s’évader dans les heures qui ont suivi son interpellation, au niveau du plus grand aéroport d’Algérie. Alors que les agents douaniers rédigeaient les procès-verbaux liés à la saisie, A.M Amine a profité d’un moment de flottement pour s’éclipser dans les sanitaires de l’aéroport, d’où il a quitté discrètement les lieux sans être interpellé. Une évasion rendue possible grâce à un réseau de complicités internes. L’enquête diligentée par les autorités a rapidement révélé l’implication de plusieurs membres du personnel de l’aéroport. Une douanière aurait reçu un pot-de-vin de 150 euros pour détourner l’attention, tandis qu’un autre agent, connu sous les initiales « S.S », aurait perçu 70.000 dinars algériens – soit l’équivalent de 7 millions de centimes – pour faciliter la fuite du principal suspect.
Lire également : France : 6000 euros offerts aux Algériens pour un retour définitif en Algérie ?
Quelques heures plus tard, les enquêteurs ont pu établir que le fuyard avait quitté le plus grand aéroport d’Algérie à bord de son propre véhicule. La traque s’est alors déplacée vers l’est du pays, précisément dans la wilaya de Constantine, où le jeune homme a finalement été localisé et appréhendé. Son arrestation n’a toutefois marqué que le début d’une affaire tentaculaire. Le parquet près du tribunal de Dar El Beïda a immédiatement ordonné l’ouverture d’une enquête approfondie. Celle-ci a mis au jour un réseau de corruption impliquant pas moins de huit douaniers, dont plusieurs cadres. Tous ont été entendus par le juge d’instruction de la quatrième chambre, puis placés en détention provisoire. Ils ont été poursuivis pour corruption, abus de fonction et complicité d’évasion. Le procès, qui s’est tenu deux mois plus tard, s’est soldé par des peines de prison ferme à l’encontre des fonctionnaires impliqués, avec des durées variables en fonction de leur degré d’implication.
Lire également : France : les auto-entrepreneurs algériens face à une nouvelle dépense obligatoire
Pour sa part, A.M Amine a d’abord été condamné à cinq ans de prison ferme pour détention et tentative d’exportation de substances prohibées, avant de voir sa peine réduite à trois ans en appel. Malgré cette sentence, les circonstances entourant sa tentative de fuite ont laissé de nombreuses zones d’ombre que l’enquête s’efforce encore d’éclaircir. Les éléments extraits de son téléphone portable ont notamment révélé une série d’échanges avec un ami qui lui aurait remis les comprimés de drogue ainsi que la somme d’argent nécessaire à l’opération. Les messages vocaux retrouvés témoignent d’une planification méticuleuse, laissant penser que cette tentative n’était pas un acte isolé, mais bien le fruit d’une organisation minutieuse.
Lire également : Aéroport d’Alger : « la douceur employée » rend stupéfait un Français
Ce dossier, désormais emblématique, illustre de manière inquiétante les failles du système de sécurité dans des infrastructures aussi sensibles que les aéroports. Il met également en lumière les risques réels que représente la corruption lorsqu’elle infiltre des postes clés, capables d’entraver l’application de la loi. Si l’affaire continue de faire du bruit dans les milieux judiciaires et sécuritaires, elle servira sans doute de référence dans l’élaboration de nouvelles stratégies de contrôle. Quant au beurre utilisé pour dissimuler la drogue, il devient malgré lui un symbole tristement ironique d’une affaire où l’inventivité criminelle s’est heurtée à la ténacité des forces de l’ordre.