Le marché du Maroc, autrefois une cible privilégiée pour les exportateurs de dattes algériennes, est désormais hors de portée, une situation qui a conduit à une impasse pour ceux qui se sont spécialisés dans la culture et la vente de la variété Deglet Nour.
Ahmed Mayof, un exportateur algérien, l’a clairement exprimé dans une interview accordée à Fresh Plaza : « Le marché marocain, l’une de nos principales cibles, est totalement inaccessible. Nous nous sommes résignés à ne pas exporter vers le Maroc cette saison. » Une déclaration qui met en lumière les tensions persistantes entre les deux pays voisins, tensions qui ont gravement perturbé les échanges commerciaux, notamment dans le secteur des dattes.
Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont été particulièrement tendues ces dernières années, culminant en août 2021, lorsque l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc. Cette rupture a entraîné une série de mesures restrictives, dont l’interdiction des avions marocains d’utiliser l’espace aérien algérien. Un mois plus tard, une autre mesure lourde a été prise : les banques algériennes ont cessé d’accepter des contrats commerciaux portant sur des marchandises transitant par le Maroc. Depuis lors, ces tensions ont paralysé le commerce entre les deux nations, rendant impossible toute exportation de produits, y compris les dattes, vers le royaume chérifien.
Malgré une demande marocaine en forte hausse pour les dattes cette année, les exportateurs algériens se trouvent dans l’incapacité totale de répondre à cette demande. Ahmed Mayof précise : « Nous constatons que la demande marocaine en dattes est très élevée cette année, mais nous sommes impuissants. La situation politique nous empêche d’exporter vers ce marché. Nous ne pouvons même pas entamer les procédures d’expédition car les banques refusent les contrats. » Une situation particulièrement frustrante pour les producteurs de la célèbre variété Deglet Nour, dont la culture occupe une place centrale dans l’économie algérienne.
Une autre problématique majeure est la fermeture des voies alternatives de réexportation. Auparavant, les exportateurs algériens pouvaient faire transiter leurs dattes par la Tunisie pour les acheminer vers le Maroc, mais cette option n’est plus viable. Selon Mayof, « Il est également impossible de réexporter vers le Maroc en passant par la Tunisie, ce qui se faisait auparavant. Les douanes tunisiennes empêchent l’entrée des dattes Deglet Nour algériennes pour protéger leur production locale. » Ce blocage stratégique a non seulement renforcé les difficultés économiques des exportateurs algériens, mais a également exacerbé les tensions régionales.
Dans ce contexte, les exportateurs se voient contraints de chercher de nouveaux marchés pour écouler leurs stocks. « Nous comptons sur d’autres marchés cette saison pour la campagne de Deglet Nour pour le Ramadan 2025, comme les Émirats arabes unis, la France et l’Espagne. La campagne d’exportation démarre dans cinq jours par fret aérien », explique Mayof. Ces nouveaux marchés, bien que prometteurs, ne compensent pas entièrement la perte d’un marché aussi important que le Maroc, ce qui ajoute une pression supplémentaire sur les producteurs algériens. Toutefois, la production de Deglet Nour semble satisfaisante cette année, malgré une légère baisse des volumes en raison des conditions climatiques difficiles. Mayof précise : « Les volumes sont en légère baisse par rapport à la saison dernière, mais la qualité est constante pour la majorité des volumes. »
Sur les réseaux sociaux marocains, la situation se complique encore davantage avec les appels au boycott des dattes algériennes qui se multiplient à l’approche du Ramadan. Ces appels sont souvent relayés par de nombreux journaux marocains, amplifiant ainsi la pression sur les exportateurs algériens. La dynamique de boycott se nourrit des tensions politiques entre les deux pays, transformant un produit alimentaire en un symbole des différends diplomatiques.
Ce climat politique et économique incertain laisse présager une saison difficile pour les exportateurs algériens de dattes. Tandis que les producteurs algériens tentent de se diversifier et de trouver des marchés alternatifs, la situation reste tendue, et l’incertitude demeure quant à l’évolution des relations entre les deux pays voisins. En attendant, les exportateurs poursuivent leur quête pour naviguer dans un environnement commercial de plus en plus complexe, où les obstacles politiques et les restrictions commerciales rendent l’accès aux marchés voisins particulièrement ardu.
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