La déclaration du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, sur la fin potentielle des espèces en France a suscité de vives réactions, notamment parmi les Algériens vivant sur le territoire. Lors de son audition par la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance financière le 22 mai, le ministre a proposé une mesure radicale : supprimer l’argent liquide afin de mettre un terme aux points de deal.
Pour Darmanin, une grande partie des fraudes, qu’elles soient liées à la délinquance quotidienne ou aux réseaux criminels plus organisés, trouvent leur fondement dans la circulation non traçable des espèces. Cette déclaration, bien que formulée comme une proposition et non comme une décision définitive, fait déjà couler beaucoup d’encre, en particulier dans les communautés où l’usage des espèces est encore solidement ancré, comme chez les Algériens en France.
Les Algériens vivant en France utilisent encore régulièrement les espèces dans leur quotidien, que ce soit pour régler leurs courses, soutenir leur famille restée au pays ou effectuer des transactions informelles. L’argent liquide représente souvent un outil de gestion simple et direct, surtout pour ceux qui ne sont pas pleinement insérés dans les circuits bancaires classiques. En France, malgré la montée en puissance des paiements dématérialisés, les espèces gardent une place importante dans certains foyers. Selon les données de la Banque de France, en 2024, seulement 14 % des Français utilisent encore les espèces comme principal moyen de paiement. Pourtant, 60 % estiment qu’il est très important de conserver la possibilité de payer en espèces. Ce paradoxe révèle un attachement profond, non seulement culturel mais aussi pratique, à ce mode de paiement.
Parmi ces usagers, de nombreux Algériens en France estiment que les espèces sont essentielles pour maintenir une autonomie financière. L’argent liquide est souvent considéré comme une manière de maîtriser ses dépenses, de préserver un anonymat jugé rassurant et de régler des transactions sans délai. C’est justement cette absence de traçabilité que Gérald Darmanin désigne comme la faille principale permettant aux activités illégales de prospérer. Pour le ministre, supprimer les espèces en France, y compris dans les zones où résident des Algériens, permettrait de rendre les flux financiers plus transparents. Il cite notamment les cryptoactifs, souvent plus traçables que l’argent liquide, comme un exemple de solution technologique qui rendrait le trafic de drogue plus difficile à financer.
Si cette proposition venait à être étudiée sérieusement, elle pourrait provoquer un véritable bouleversement dans le quotidien de nombreux Algériens en France. La disparition des espèces remettrait en question des habitudes profondément enracinées, comme les dons entre proches lors d’événements familiaux, les paiements directs dans les commerces de quartier ou encore l’envoi d’argent vers l’Algérie par des canaux informels. Même si les alternatives numériques sont de plus en plus accessibles, elles ne répondent pas toujours aux besoins spécifiques des usagers qui privilégient les espèces, notamment en matière d’immédiateté et de discrétion.
La France, confrontée à une recrudescence des trafics en tout genre, semble chercher à resserrer les mailles du filet. Pour Gérald Darmanin, mettre fin aux espèces n’éliminera pas totalement la drogue ni les trafiquants, mais rendra leurs opérations plus complexes. Cette déclaration vise clairement les circuits de financement illégaux qui s’appuient sur les échanges d’espèces. Pourtant, les Français, y compris de nombreux Algériens, restent majoritairement attachés à cette forme de paiement, à la fois pour des raisons de confiance, de simplicité et d’indépendance.
La question reste donc ouverte : les espèces vont-elles disparaître en France comme le suggère cette proposition choc ? Et si oui, quels seront les effets concrets pour les Algériens qui vivent sur le territoire et qui utilisent encore ce mode de paiement comme un pilier de leur organisation financière ? Pour l’instant, rien n’est acté, mais cette perspective soulève déjà de nombreuses interrogations et pourrait, si elle se concrétise, changer profondément la manière dont les Algériens de France gèrent leur argent au quotidien.