À Paris, la décision prise par l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne continue de provoquer un vif débat, tant au sein de la communauté étudiante que chez les enseignants-chercheurs. Le 1er décembre, son Conseil d’administration a voté une augmentation majeure des frais d’inscription imposés aux étudiants étrangers non-européens, une mesure qui touche de plein fouet les jeunes issus du Maghreb, dont de nombreux Algériens.
La décision met fin à l’exonération dont bénéficiaient jusqu’ici certains étudiants extra-communautaires. Concrètement, les frais pour une année de licence, jusqu’alors fixés à 178 euros, s’envolent à près de 2 900 euros. Ceux d’un master passent d’environ 254 euros à près de 4 000 euros. Une montée en flèche qui redessine brutalement l’accès aux études pour des milliers d’étudiants étrangers. D’après Campus France, il s’agit d’un changement d’échelle inédit dans l’établissement, historiquement l’un des plus attractifs pour les étudiants du Sud.
Face à cette décision, la contestation n’a pas tardé. Une centaine d’enseignants-chercheurs, rejoints par des personnels de l’université, ont signé une lettre dénonçant une politique qu’ils qualifient de « rustines discriminatoires ». Selon eux, l’augmentation ne repose sur aucune logique pédagogique, et risque d’exclure mécaniquement des étudiants dont les familles ne peuvent supporter de telles charges. Certains signataires, comme la maîtresse de conférences Marie-Emmanuelle Pommerolle, rappellent qu’exiger plusieurs milliers d’euros à des étudiants venant du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou d’Amérique latine revient à franchir une « ligne rouge », d’autant plus que ces frais s’ajoutent à ceux de visa, de logement et de subsistance, déjà très élevés en Île-de-France.
La direction de l’université, de son côté, assure que la mesure ne s’appliquera pas à tout le monde. Les étudiants ressortissants de l’Union européenne, les étudiants réfugiés ainsi que ceux issus des 44 pays classés « les moins avancés » par l’ONU ne seront pas concernés par la hausse. La plupart des pays exemptés étant africains, les jeunes du Sénégal, de Madagascar, de la République démocratique du Congo ou encore de la République centrafricaine continueront de payer les tarifs nationaux, soit 180 euros en licence et environ 250 euros en master.
Ce maintien des exonérations pour une partie de l’Afrique accentue néanmoins le sentiment d’injustice chez les étudiants venant de pays qui n’entrent pas dans cette liste. Les Algériens, Marocains, Tunisiens et Égyptiens verront leurs frais d’inscription passer de quelques centaines d’euros à plusieurs milliers dès la rentrée 2026. Une transformation radicale qui, selon les collectifs étudiants, rend l’université accessible uniquement à ceux disposant de moyens financiers confortables.
Les associations étudiantes ont d’ailleurs exprimé leur colère. L’une des voix les plus actives, Luz Duchowney, élue du syndicat « Le Poing Levé », parle d’une « attaque énorme » visant les étudiants étrangers et craint que l’université ne glisse progressivement vers une logique où la « préférence nationale » deviendrait le principe implicite d’accueil. Les mobilisations se poursuivent dans les amphithéâtres et les conseils internes, certains appelant à un retrait pur et simple de la décision, d’autres réclamant au minimum une révision profonde du dispositif.
Pour beaucoup d’étudiants maghrébins, qui constituaient traditionnellement une part importante des effectifs de Paris 1, cette décision a un effet immédiat : elle remet en question la possibilité même de poursuivre ou d’entamer un cursus en France. Entre l’inflation du coût de la vie, les difficultés d’accès au logement et la complexité croissante des démarches administratives, cette nouvelle barrière financière est perçue comme un obstacle supplémentaire dans un parcours déjà semé d’incertitudes.
Cette polémique intervient dans un contexte où les relations administratives entre la France et les diasporas maghrébines sont déjà tendues, notamment en raison des débats sur les visas, les transferts financiers ou la fiscalité des ressortissants étrangers. Pour certains observateurs, la hausse des frais d’inscription s’inscrit dans une tendance plus large consistant à resserrer les conditions d’accueil des étudiants venus de pays hors Union européenne.
Alors que la rentrée 2026 se rapproche, les étudiants concernés, leurs familles, les collectifs universitaires et même certains élus locaux scrutent désormais les possibles évolutions de la situation. Beaucoup espèrent encore un revirement ou une modulation de la mesure. D’ici là, la polémique ne semble pas prête de s’éteindre, tant les enjeux touchent à la fois à la justice sociale, à l’égalité d’accès au savoir et à l’image internationale de l’université française.