Une nouvelle affaire retentissante met en lumière l’ampleur des trafics de documents officiels. Cette fois, ce sont des faux passeports algériens en Europe qui ont été au centre d’une enquête d’envergure menée par les services judiciaires. Douze personnes sont poursuivies, parmi lesquelles plusieurs employés communaux du service biométrique de Khenchela, accusés d’avoir délivré des documents frauduleux permettant à des migrants de circuler librement en Europe. Cette affaire illustre une fois encore comment des faux passeports algériens ont pu franchir les frontières et alimenter un marché clandestin estimé à plusieurs milliers d’euros.
L’enquête a révélé l’existence d’un cerveau présumé opérant depuis Marseille, connu sous le pseudonyme de « Waliddz 24 ». Utilisant l’application Snapchat et une ligne téléphonique étrangère, il communiquait avec des migrants algériens installés illégalement en Europe. Chaque passeport était vendu au prix de 2 500 euros, une somme conséquente qui montre l’ampleur du trafic. Derrière cet écran de réseaux sociaux se cachait une véritable organisation structurée, reliant l’Algérie et différents pays européens par le biais de faux passeports algériens conçus avec des complicités locales.
Les douze inculpés comprennent des employés du service biométrique de la commune de Khenchela : Kh. Aymen, responsable du service, A. Kenza, agente administrative, et B. Imane, une autre employée. D’autres personnes sont également poursuivies : B. Youcef, transporteur, Ch. Marouane, H. Amir, K. Amine, B. Hicham, Kh. Mohamed, H. Youssef et Kh. Salah Eddine. Les charges retenues sont lourdes : association de malfaiteurs, abus de fonction, falsification de documents de voyage, introduction frauduleuse de données dans un système informatique, mais aussi abus d’influence et remise de documents à des personnes n’ayant aucun droit d’en bénéficier.
C’est une alerte reçue le 29 juillet 2024 par le service de lutte contre la traite des êtres humains qui a mis les enquêteurs sur la piste. L’existence d’un compte Snapchat, baptisé « Waliddz 24 », proposait à des migrants irréguliers en Europe un service de régularisation rapide grâce à des faux passeports algériens. Pour les convaincre, le suspect leur demandait leurs informations personnelles et des photos, avant de leur envoyer des captures d’écran issues directement du système biométrique officiel. Cette précision technique a immédiatement fait penser à une complicité interne, confirmée par la suite lors des perquisitions.
L’exploitation de l’adresse e-mail du principal suspect a permis de remonter jusqu’à Kh. Aymen, un ingénieur informatique de 36 ans, frère du suspect initial. Ce dernier, qui dirigeait parallèlement une agence de location de voitures, utilisait son accès au logiciel officiel « Guichet électronique » du ministère de l’Intérieur pour introduire de fausses informations. Les enquêteurs ont découvert que 1 104 passeports avaient été délivrés sans empreintes digitales entre le 1er mai et le 1er juin 2024, un chiffre alarmant révélant l’ampleur du réseau. Parmi ces documents figurait le passeport d’un certain Kh. Salah Eddine, déjà sous le coup de deux mandats d’arrêt.
Au cours des interrogatoires, Kh. Aymen a reconnu avoir falsifié trois passeports pour des migrants algériens installés en France. Il aurait confié l’opération à son employée B. Imane, à qui il affirmait que les dossiers étaient légitimes. Les passeports ainsi produits étaient ensuite déposés discrètement dans une quincaillerie, avant d’être récupérés par un intermédiaire, Yacine, basé en France.
La perquisition menée dans l’agence de location de voitures du principal accusé a permis de découvrir soixante faux passeports algériens déjà prêts à être envoyés en Europe, ainsi que de nombreux dossiers de citoyens en attente de renouvellement. Cette découverte confirme que le réseau était non seulement bien organisé, mais aussi solidement implanté entre les deux rives de la Méditerranée.